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Anthony Joseph & The Spasm Band
Nouvel album – Bird Head Son
A l’égal des beat poètes, à l’image des jazz prophètes, à l’instar des rappeurs esthètes, Anthony Joseph invoque les esprits du voodoo funk et de la soul spirituelle en une spectaculaire odyssée à travers toute la Great Black Music.
Bird Head Son. Tel était le surnom d’Anthony Joseph, haut comme trois mangues, dans les années 70. Un nom d’oiseau afublé par les gens de son quartier, en référence à Bird Head, son père « à la tête soi-disant trop petite pour son corps ». C’est désormais le titre de son deuxième album, un recueil en forme d’autoportrait où le natif de Port Of Spain revient sur ses premiers pas et émois à Trinidad, près de vingt ans après avoir traversé l’Atlantique pour atterrir à Londres. A la manière d’un carnet du retour au pays natal, pour paraphraser le totémique poème d’Aimé Césaire, ce porte-parole de « l’avant-garde diasporique » car c’est dans ce courant de pensée que sont classés les écrits de cet écrivain « londonien », qui relie les épisodes et les personnages qui ont façonné son identité « créolisée ». Celle-là même qu’il traduit depuis quinze ans au stylo ou au micro.
Tout a commencé un jour de carnaval, quand ses parents se sont rencontrés. Un classique sous les tropiques. C’est ainsi qu’Antony Joseph est né le 12 novembre 1966, le jour de la fête de diwali, un rituel hindou qui célèbre le passage de l’obscurité à la lumière. C’est moins classique. L’anecdote éclaire la suite de l’histoire de ce preacher illuminé par une vision du monde, un tout cosmique dont la musique n’est qu’une communion organique. Voilà ce dont parle entre les lignes l’alchimie de cet apprenti-sorcier, un mix rétro-futuriste et une méta-fiction surréaliste où son tambour de bouche fait raisonner sur l’autel du groove les hymnes des grand-messes baptistes de son enfance, mais aussi le verbe tout en verve des Calypsonians, ces chantres aux rimes bien ajustées.
« Bird Head Son », C’est donc lui, en fait un sacré type qui ne jure que par la spiritualité, un rien de swing magique au creux des reins. Lui et tous les fantômes qui peuplent son esprit. Une diablesse vampirique et un cousin country, la tendresse d’une grande-mère et l’absence d’un père, un grand-père et le souvenir douloureux de ses battoires, un frère et tous les non-dits, l’âme d’un ami retrouvé au milieu de la jungle, « ce territoire qui conserve les traces de nous tous, malgré les aléas de la vie ». « Bird Head Son », c’est aussi une chanson, « un cri primal » à l’heure de l’exil anglais et un constat amer lors des retrouvailles avec cet archipel qui a baigné ses vertes années. Pour l’accompagner dans les tréfonds de sa mémoire, pour y creuser au plus profond ce sillon originel qui va de l’intime à l’universel, Anthony Joseph a choisi de s’entourer des siens. L’esprit de famille, on y revient.