Scène française
Catherine Falgayrac A fleur de mots
Découvrez l'album de Catherine Falgayrac A fleur de mots
Un père crooner et une mère artiste lyrique, il n’en fallait pas plus à Catherine Falgayrac pour succomber à un amour de la musique et surtout du jazz, inscrit dans ses gènes dès son plus jeune âge. Une dilection qui prend toute son épaisseur et sa dimension aujourd’hui avec son premier opus chez Warner joliment baptisé « A fleur de mots ».
Force est de constater que, dès le premier titre d’ouverture Dans le métro, composé par Camille Bazbaz, on sent que l’on va s’élever très au-dessus des usages courants de la variété. Et rien de ce qui suivra ne démentira cette impression première avec une ampleur, des atmosphères, une originalité des textes et des textures.
L’album se déploie et l’exigence est partout avec les arrangements aux ailes majestueuses de Pierre Bertrand qui a exercé ses talents pour Nougaro ou Aznavour entre autres. Des compositions qui servent d’ écrin à un florilège de chansons écrites par le jeune auteur Pascal Assy aux teintes infusées de sensualité, d’émotions et d’humour, contant la femme dans tous ses états et habitée d’une classe folle. Une musique organique, parfois languide, où l’on mesure à chaque fois l’engagement, l’émotion, et l’énergie de Catherine Falgayrac. Elle parvient à nous prendre par la main, se faisant diseuse ou chanteuse, jouant du souffle, détachant les mots ou les caressant, avec son ton inimitable aux inflexions suaves et sa science singulière d’interprète, alternant graves profonds et murmures, ou se faisant féline, tout en velours, dans des lacis jazzy.
Voix de mousseline sensuelle, velouté du souffle, swing des mots, tempo impeccable, avec le souci constant de servir la musique… Catherine Falgayrac façonne, sous la plume futée et affutée de Pascal Assy, d’inestimables tableautins, habillés des sonorités d’un beau tissu mélodique où le jazz pointe le bout de la note, que ce soit lorsqu’elle égrène dans la chanson joliment troussée « le début de la liste », ses profils d’hommes de prédilection ( « j’ai un penchant, j’y peux rien pour les musiciens/j’suis prise au piège de leurs arpèges ») ou dans l’envoûtante et charmeuse « Le sens des écailles » où elle nous invite voluptueusement à la prendre avec « des baguettes délicatement ». Un des titres les plus aboutis à l’écriture elliptique, mélange de réalisme poétique et d’humour. Même singularité avec le titre Juste une fois, appel à une relation sans lendemain qui ne s’écrirait qu’à la seule pointe du plaisir, dans le puissant J’ai les nerfs auquel elle insuffle une belle énergie ou dans le très original Wanted Catherine Falgayrac, se sentant « des envies de western, de diligence, de moments vraiment intenses », voire en ciselant avec maestria une version masculine de la chanson d’Aznavour tu t’laisses aller. Toutefois, là où Catherine Falgayrac n’a pas sa pareille pour donner chair à sa musique, c’est lorsqu’elle chante l’amour, notamment dans la relecture personnelle de standards, avec les reprises dépouillées, épurées pour n’en retenir que la substantifique moelle, de l’eau à la bouche de Serge Gainsbourg, les yeux ouverts d’Enzo Enzo, C’est Extra de Léo Ferré, ou La chanson des vieux amants de Jacques Brel qui lui vont comme un gant de dentelle.
Un opus qui est un superbe déroulé de moments d’élégance formelle et d’harmonies poétiques, à la cohérence esthétique totale. A fleurs de mots est l’album d’une artiste à la sensibilité à fleur de chair, dont les chansons deviennent vite à fleur de lèvres…