Scène française
Matmatah : Plates coutures
Matmatah dévoile son cinquième album
Suite à l’album « Antaology » sortie en 2015, l’idée d’une reformation fait alors son chemin pour Matmatah. Mais pour eux, pas question de partir sur les routes pour jouer seulement d’anciens titres. Aujourd’hui le groupe est de retour avec un nouvel opus pour un retour fracassant.
Depuis 2015, l’idée d’une reformation pour Matmatah a fait son chemin. Mais pour eux, il ne s’agit pas simplement de partir sur les routes jouer d’anciens titres. Ils ont des choses à dire. Il est à nouveau temps d’écrire. Emmanuel Baroux, qui avait déjà accompagné Tristan Nihouarn sur sa tournée en solo, prend la suite de Sammy à la guitare. Matmatah embarque en août 2016 pour l’Angleterre, accompagné de Bruno Green, en charge de la réalisation d’un nouvel opus. En l’espace de quelques semaines, les automatismes reviennent, le sentiment d’urgence jaillit de la section rythmique, toujours constituée d’Eric Digaire et de Benoît Fournier. La voix de Tristan Nihouarn, tantôt tranchante, tantôt émouvante, n’a pas bougé. Rapidement, onze nouveaux titres sont mis en boîte.
Le résultat ? Un album baptisé « Plates Coutures » et surtout une immense bouffée d’oxygène à un moment où l’atmosphère générale est emplie de tensions. Dans cette ambiance délétère de fin du monde permanente, Matmatah répond aux maux par les mots.
Le message de ce nouvel opus vaut autant pour saluer leur retour après neuf ans d’absence, que pour souligner le triste état de notre planète, dans un déluge d’électricité et avec un refrain atomique. L’expression « fin de civilisation » est lâchée dans un texte aussi cynique que désespéré. Nous y sommes stigmatise l’égoïsme et l’aveuglement d’une Humanité dont le baroud d’honneur est tout sauf glorieux. L’évidence mélodique de Lésine pas, qui appelle à inverser la tendance et à faire parler l’amour plutôt que la haine, se pare d’une ironie bien sentie.
Avec son riff sulfureux, le titre Petite frappe renoue le temps d’une chanson avec de légères consonances celtiques, histoire de boucler la boucle, et dénonce surtout des horreurs dans un format purement rock. Un délicieux paradoxe qui joue encore sur les mots en y mettant « le cœur à l’outrage ».
Jouant sur l’émotion et la retenue dans un format peu conventionnel, Toboggan a des allures d’ovni, avec ses chœurs lointains et son pont ensorcelant sur lequel Dana Colley, saxophoniste du légendaire groupe Morphine, est venu poser quelques couleurs envoûtantes. Sa finesse, sa fragilité et la diversité des lectures possibles rendent la chanson universelle.
Pour son retour, Matmatah ne pouvait ignorer son fief brestois. La visite est menée à cent à l’heure dans Retour à la normale sur un tempo punk-rock convoquant l’esprit d’Iggy Pop pour trinquer sur le pont de Recouvrance, au souvenir du bon vieux temps. Parce qu’on a beau revenir au bout de neuf ans d’absence, « On ne se refait pas », disent-ils avec gourmandise : c’est une chanson qui fait dire des choses aux corps dansants, aux voix qui se cassent, mais qui évite les palabres inutiles. Tout ici est organique, brûlant.
Au milieu de ce disque énergique et exubérant survient un morceau écrit et chanté par Eric Digaire, Entre les lignes, au spleen communicatif, bénéficiant d’une mélodie redoutable et d’un travail d’orfèvre sur les arrangements.
Overcom, chanson oppressante d’un groupe oppressé par la surinformation et l’obstination de medias à remplir le vide décrété de nos cortex cérébraux, laisse la place à Margipop, gigue électrique et transhumaine à l’enchevêtrement de guitares diabolique. La gravité du propos de Peshmerga est contrebalancée par la délicatesse de la mélodie et des arrangements. Porteur d’espoir, ce morceau conclusif atténue quelque peu l’inéluctabilité du destin que le début de « Plates coutures » semble prédire à notre civilisation.
S’il n’y a qu’une chose à retenir du cinquième album de Matmatah, c’est que la lumière peut toujours jaillir de ces ténèbres où l’Humanité ne se lasse jamais d’être en guerre contre elle-même. Mais tout n’est peut-être pas perdu. On peut battre ou être battu à Plates coutures, mais on ne tombe pas sans résister. Et on peut toujours se relever.
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Label : La Ouache
Date de sortie : 03 mars 2017