Scène française
Salvatore Adamo : Le bal des gens bien
Salvatore Adamo : Le bal des gens bien
Le dernier album de Salvatore Adamo « Le bal des gens bien » est un disque de duos avec ses entrechats, ses figures imposées, ses cadences, ses romances, ses pas de deux. Dix-huit chansons en tête à tête, yeux dans les yeux. Rénovées, revisitées, sous la houlette de deux orfèvres des arrangements, Alain Cluzeau et Fabrice Ravel-Chapuis. Rajeunies mais immuables.
Des filles qui n’en finissent pas d’être chouettes, jadis redévêtues par Arno, cette fois célébrées par Alain Souchon : « il a réussi à leur donner une élégance, une nonchalance, une nostalgie qui n’étaient pas dans ma version. » L’alter ego Laurent Voulzy, lui, a choisi Tombe la neige, ballade frissonnante et ouatée qui figure parmi les plus universelles chansons d’Adamo : demandez aux japonais qui l’ont carrément inscrite à leur répertoire national, sous le prétexte qu’elle est bâtie -involontairement, affirme le responsable- sur le même tempo que les haïkus. Universel aussi, ce Inch Allah, ici repris par Calogero, message de paix mal perçu en son temps, qui valut à son auteur de figurer longtemps sur la liste noire de certains pays arabes. Universel toujours, le très beau C’est ma vie interprété par Isabelle Boulay, titre qui fut choisi au Canada pour illustrer une campagne en faveur de la consommation de lait. Les tubes sont là, on l’a dit, de Mes mains sur tes hanches en duo avec un Julien Doré abordé par Adamo lui même… dans une rue du Québec, jusqu’à J’avais oublié que les roses sont roses, chanté avec un Renan Luce aux étonnantes similitudes vocales, en passant par Le Néon, inspiré par la technique monosyllabique d’un poème de Victor Hugo (« Les Djinns ») et ici rallumé par Cali.
Mais ce bal des débutants et des confirmés est aussi l’occasion de redécouvrir des chansons moins connues. Comme La Nuit, supplique schizophrénique partagée avec Jeanne Cherhal, « Le ruisseau de mon enfance », baigné de la voix de Raphaël, En blue jeans et blouson de cuir, rhabillé par la tonique Adrienne Pauly (« elle y a déployé tant d’énergie que j’ai failli me contenter de siffler ! » avoue Adamo, admiratif), ou Au café du temps perdu, revitalisé par la guitare de Thomas Dutronc. Ou encore ce Pauvre Verlaine, avec Stanislas, prétexte à une anecdote savoureuse : le jour où Adamo en a enregistré la version originale, dans les studios Abbey Road de Londres, les Beatles travaillaient à côté. « J’ai demandé si je pouvais aller les saluer et quand je suis entré dans la pièce, a retenti La Marseillaise. Pendant plusieurs mois, j’ai cru que c’était en mon honneur… en fait, ils enregistraient « All you need is love » ! » Ce que notre discret artiste oublie de préciser, c’est qu’il fut, un temps, le deuxième plus gros vendeur de disques dans le monde, juste derrière… les Beatles.
Au générique de ces duos bien singuliers, il faut encore citer Ma tête avec Yves Simon, Amour perdu avec Loane (une chanson qui fut interprétée jadis par Michèle Arnaud), Un air en fa mineur avec Juliette ou Tant d’amour qui se perd avec Maurane. Sans oublier Ce Georges, avec Olivia Ruiz, déjà présent sur le dernier album d’Adamo et, paraît-il, fort apprécié par celui qui l’a inspiré, un dénommé Clooney… Du coup, on se dit qu’il aurait peut-être fallu un double ou triple album pour satisfaire tout le monde. Mais, comme l’avoue Salvatore, « je suis conscient que c’est un très beau cadeau qu’on m’a fait ».
Label : Polydor