Scène française
Kaolin
Kaolin revient le 18 octobre 2010 avec son nouvel album
Kaolin nous offre un quatrième album jouissif et sexy, à la fois entraînant, passionné et drôle. L’image que renvoient ses douze chansons est celle de musiciens qui s’épanouissent dans le second degré et prennent les ratés de la vie (amoureuse) avec légèreté.
Il y a quatre ans, Kaolin a vu une de ses chansons percuter l’air du temps. La maligne rengaine folk s’appelait Partons Vite, elle a fait son joli chemin à la radio et sur les lèvres. D’autres se seraient empressés de surfer sur ce tube au risque de se caricaturer. Pas le genre du groupe qui, depuis le début des années 2000, inscrit dans l’histoire du rock français sa trajectoire oblique. Non, ce succès n’a pas étourdi ce gang d’agitateurs incapables de se répéter. Quand ils ont choisi de répondre ensemble au nom de Kaolin ; une argile qui sert à la fabrication de la porcelaine, ces ennemis du surplace ont affirmé leur ambition avec discrétion. Une sorte de pacte secret. Car, fait rare, Kaolin reste un collectif où tous mettent la main à la pâte quand il s’agit de composer, où chacun est auteur et fait entendre sa voix. Cette alchimie qui existe entre eux, ils s’en servent justement comme d’une matière première afin de se reconstruire à chaque album. Avec ce quatrième épisode, ils ne dérogent pas à cette exigence. A la fois fidèle à la tradition (d’où ce sobre intitulé éponyme) et conforme à cette volonté d’éternel changement, cet album montre combien le groupe reste à part. Imprévisible.
Si Kaolin a pris une pause de quatre ans, c’était pour se ressourcer mais aussi pour se rassembler avec encore plus de joie. La fraîcheur qui se dégage de ces retrouvailles va en étonner beaucoup. A commencer par ceux qui avaient collé sur le groupe une étiquette de rockers indie à la française, un peu intellos et élitistes. Les mêmes vont se trouver tout bêtes à l’écoute de cet album jouissif et sexy qui a souvent des fourmis dans les jambes. L’image que renvoient ses douze chansons est celle de musiciens qui s’épanouissent dans le second degré, prennent les ratés de la vie amoureuse avec légèreté. Les entraînants C’est mieux comme ça et Sans importance côtoient Bang Bang, déflagration passionnée aussi tranchante que son riff de guitare. Avec le sourire en coin, Kaolin dédramatise les affaires de couple. Que Petite Peste et sa collection de vestes (sentimentales) précèdent le faussement macho et très rigolo Tu m’emmerdes ne constitue pas une coïncidence…
« Les histoires d’amour finissent mal en général« , chantaient avec une énergie bluffante les Rita Mitsouko. S’inspirant de ce que les Rita ont réalisé en leur temps – de la chanson française qui groove, Kaolin trempe désormais la pointe de sa plume dans la sueur du funk, louche sur la soul de James Brown ou de Curtis Mayfield. Et imite Serge Gainsbourg, les Rolling Stones de « Gimme Shelter » ou les Talking Heads, ces autres blancs-becs à avoir puisé dans la musique noire pour décupler l’ivresse de leurs créations. Indéniablement, depuis leurs débuts noisy et post rock, Guillaume (chant, guitare), Ludwig (guitare, chant), Julien (guitare, chant) et Olivier (batterie, chant), rejoints depuis deux ans par Vivien (basse, chant), se sont décoincés. Sans se trahir, le sublime instrumental à la Mogwai, Cody, est là pour le prouver puisqu’ils ont plongé avec excitation dans un bain moussant funky. Ils en sont sortis transformés, heureux. Aidés par les réalisateurs Jean-Louis Piérot (Bashung, Daho, Miossec), également préposé aux claviers, et l’ingénieur du son Philippe Balzé, ils ont intégré à leur vocabulaire des riffs remuants et sensuels, des basses discoïdes moites et même des cuivres comme on entend sur les vénérées références du label soul Stax. Des percussions et des programmations électroniques soulignent aussi les rythmes et des chœurs enjoués, dus à toute la bande, ajoutent la touche finale d’euphorie. Pour paraphraser le titre de leur album précédent, ils ont non seulement « mélangé les couleurs » (une nouvelle fois) mais tiré leur palette vers des teintes plus chaudes et vives. Pourvus de formes dansantes voire bondissantes, On s’en va ou Le Geste concrétisent avec classe cette métamorphose inattendue mais ô combien convaincante. Car le groupe s’est taillé un nouveau costume non pas pour se déguiser en quelqu’un d’autre mais pour coller à sa liberté de mouvement.
Tout en faisant monter la température de ses compositions, servies chaudes et craquantes, Kaolin a gardé son regard unique. Le groove implacable de certains morceaux cache souvent, comme par pudeur, le caractère intimiste des textes. Libre ainsi à l’auditeur de capter (ou non) le double sens de Crois-moi, chanson qui sera certainement pour Kaolin ce que Boys & Girls fut pour Blur, un irrésistible concentré de disco-rock, un manifeste pour la liberté de réaliser des grands écarts. Avec l’expérience, le groupe a acquis une souplesse qui contraste avec la rigidité d’antan et s’illustre par une épatante variété. Kaolin ne s’est interdit aucun plaisir, qu’il lui soit procuré par « Plus rien », prenante et sensible ballade comme le groupe les affectionne, ou par le plus inattendu Shanana. Ce radieux exercice de style voit en effet les cinq musiciens se téléporter en Californie et partir s’amuser avec leurs instruments sur la plage. Pour cet insouciant morceau de rock à la Fleetwood Mac, le groupe qui fait étalage partout ailleurs de son goût immodéré pour la langue française et le mot juste a choisi l’anglais une nouveauté dans un parcours pourtant déjà bien riche.
Of course, Kaolin est prêt à repartir sur la route pour faire profiter à tous de l’énergie et la fraîcheur qui entourent ce quatrième album. Le clan des cinq promet un show à la hauteur de ce répertoire qui ne cesse d’avancer. Nul doute que le public va se montrer enthousiaste face à cette nouvelle et excitante mue…. A noter que Kaolin sera en concert à Paris le 10 novembre 2010 au Café de la Danse.