Scène française
Interview Isabelle Boulay
Interview Isabelle Boulay
Après quatre mois de tournée à travers toute la France, Isabelle Boulay reviendra pour deux dates exceptionnelles les 6 et 7 mars prochain à l’Olympia. l’occasion pour l’équipe de Zikeo de faire un point avec la plus française des québécoise.
Retranscription écrite de l’interview :
Près de trois ans et demi après son dernier album, le dernier opus d’Isabelle Boulay « Nos Lendemains » vibre de cette nouvelle vie qui commence. L’occasion pour l’équipe de Zikeo de faire le point avec la plus française des québécoise.
Alors après trois ans et demi « d’absence », depuis votre dernier album, vous revenez avec un nouvel album qui s’appelle « Nos lendemain ». On a l’impression que c’est une nouvelle Isabelle Boulay qui revient ?
Je ne sais pas si c’est une nouvelle Isabelle Boulay. C’est juste une Isabelle que l’on arrive à mieux connaître, un peu plus dévoilée.
Dominique Blanc-Francard a réalisé l’album, il paraît que l’idée est né e après une session acoustique lors d’un concert ?
En fait, j’ai voulu travailler avec Dominique Blanc-Francard depuis beaucoup plus longtemps. Cela fait une quinzaine d’années que je voulais travailler avec lui. J’écoutais beaucoup les disques entre autres de Stefan Eicher, « Carcassonne » et « Engelberg ». Je trouvais qu’il réussissait à créer, autour de l’artiste pour lequel il produisait le disque, une ressemblance entre l’univers musical et l’artiste lui-même. Je trouvais que c’était quelqu’un qui avait une sensibilité assez importante et qui faisait ressortir au travers de la musique, le coeur de l’artiste pour lequel il faisait le travail et quand j’ai enregistré le spectacle « Du temps pour toi », c’est lui qui est venu faire la prise de son.
Alors il a réalisé toutes les chansons, tous les titres de l’album sauf un qui sera le single promo. Pourquoi n’a-t-il pas réalisé celui-là ?
Dominique Blanc-Francard, c’est quelqu’un d’entier. Lui était moins à l’aise avec la réalisation de « Ton histoire » parce que c’est une chanson qui était très fédératrice, très pop et comme lui fait moins dans la variété populaire, il a demandé à Jacques Veneruzo s’il avait envie de réaliser ce titre. Jacques a l’habitude aussi de réaliser les chansons de Dominique. Il y a une autre chanson de Veneruzo sur mon disque que Dominique a réalisé qui s’appelle « Je ne t’en veux pas » mais pour « Ton histoire », il préférait passer la main à Jacques Veneruzo.
Il paraît que pour cet album, la plupart des chansons n’ont nécessité que très peu de prises. Est-ce que c’était justement une envie de montrer le côté le plus pur, le plus primaire, pas trop travaillé en fait ?
On avait beaucoup travaillé la pré-production de cet album là. J’avais enregistré des maquettes. On a eu une pré-production qui a été assez élaborée, assez longue, qui m’a permis de faire connaissance avec mes chansons. Quand on est arrivé en studio avec Dominique et tous les musiciens, on a voulu jouer les chansons en live comme si on était sur scène pour avoir justement la magie de l’instant présent, la magie de l’instinct aussi. On a joué de façon très instinctive, tout le monde ensemble. On cherchait la vérité des chansons, on cherchait l’émotion pure. On n’était pas dans un désir de perfection, de grand esthétisme ou de grand lyrisme musical. On voulait surtout servir les chansons et partir de la matière première c’est à dire la musique et les mots, et puis juste jouer ce qu’il fallait pour arriver à faire vivre les chansons dans leur essence propre.
Alors sur votre nouvel album, il y a des collaborations très pointues et exceptionnelles Julien Clerc, Benjamin Biolay, Maxime le Forestier. Comment cela s’est-il passé ? Est-ce que c’est vous qui avez eu envie de travailler avec eux ou est-ce que ce sont eux qui spontanément vous ont offerts un texte, une mélodie ?
Ça se passe un peu dans les deux sens la collaboration avec les auteurs, avec les compositeurs. Ce sont pour la plupart des gens de qui j’ai déjà été le public ou quelqu’un pour qui j’ai beaucoup de respect, d’admiration. Quand je pense à Benjamin, à Julien Clerc, à Jean-Loup Dabadie, à Jean-Louis Murat, ce sont tous des gens dont je suis le public et il y a évidemment une histoire de rencontre avec chacune de ces personnes. Mais c’est vrai que la particularité et là où je me sens très privilégiée, c’est qu’ eux-mêmes sont souvent des interprètes. En plus d’être des auteurs et des compositeurs, ils auraient pu aussi vouloir garder ces chansons là pour eux, et moi je me sens très choyée de pouvoir recevoir des chansons aussi belles, de sentir aussi que ces chansons là étaient façonnées pour moi, pour mon univers, pour ce disque là. Et donc il y a des collaborations, je pense entre autres à Julien Clerc. Julien savait depuis longtemps que j’avais envie qu’il compose un jour des chansons pour moi. Il est déjà venu chanter avec moi sur scène et il a probablement apprivoisé petit à petit mon univers jusqu’au moment où il a eu envie de rentrer dedans. Je me souviens que la première chanson que j’ai reçue, c’est une chanson qu’il avait faite avec Jean-Loup Dabadie, qui pour moi est un des plus grands auteurs de la chanson française.
Dans l’album, on vous découvre sur des titres, vous le disiez tout à l’heure, un peu country, un peu folk, c’est un style qu’on ne vous connaissait pas. C’est quelque chose que vous aimez vraiment ?
Non seulement j’aime la musique country mais j’ai grandi dedans. J’ai été influencée par la grande chanson française, et québécoise, la chanson populaire, la chanson réaliste. Et si j’avais une trame sonore à mettre sur le film de mon enfance, ce serait la musique country parce que j’ai grandi en Gaspésie. La Gaspésie étant située assez proche des Amériques, il y avait plusieurs chanteurs de notre région, et des chanteuses qui faisaient des adaptations francophones de grands succès américains. Il y a une chanson entre autre que j’affectionne particulièrement. Quand j’étais petite, ma tante Adrienne qui était l’une des soeurs de mon père, vivait dans la même maison que nous. Tous les après-midis, elle venait me chercher pour que je fasse la sieste chez elle ; et elle me couchait dans un grand landau avec des coussins et elle écoutait de la musique western, country western. Il y avait une chanson de Renée Martelle qui est une artiste québécoise, c’est la plus grande chanteuse populaire de country au Québec, elle avait fait une reprise d’une chanson qui s’appelait I’ve got a never handing love for you, et chez nous ça s’appelait J’ai un amour qui ne veut pas mourir. C’est la chanson que j’ai le plus entendue pendant toute mon enfance parce que ma tante faisait jouer cette chanson là, sans cesse, tous les jours de sa vie parce qu’elle avait un amour qui ne voulait pas mourir.
Avec N’aimer, que t’aimer qui est un tango, c’est encore autre chose… C’est un tango avec tout ce que ça comporte de tango en fait, ce côté doux, ce côté un peu plus dur ?
Il faut donner, je pense, le bénéfice de cette chanson là. Elle vient d’abord de la mélodie de Daniel Seff. Daniel avait remarqué que j’avais eu beaucoup de plaisir à faire une chanson qui s’appelle Le coeur volcan qui est une chanson d’Etienne Roda-Gil et Julien Clerc. Dans mon concert précédent, il avait déjà composé pour moi une chanson qui s’appelle « Nos rivières » qui était sur l’album « Ici bas » de Daniel Seff. Cette chanson, je dirais, apportait déjà les prémices du tango, et le tango est une musique très enracinée, très terrienne. Daniel me présentait cette mélodie là, un jour, avec le texte de Didier Golemanas et c’est là qu’est née la chanson N’aimer, que t’aimer. Cette chanson là, on l’avait faite au piano ; on avait fait un piano voix et puis en studio j’ai voulu qu’on la fasse vivre encore plus fort avec les guitares, avec l’accordéon, qu’elle devienne vraiment une chanson très typée et très sensuelle à la fois. C’était très important pour nous d’aller mettre dans la musique des valeurs de référence aussi, sans que ce soit une caricature ou un cliché. Comme je le disais tout à l’heure, on voulait vraiment ramener la musique dans sa plus pure tradition.
Vous parlez de Benjamin Biolay. Justement, j’ai entendu dire qu’en fait ce n’était pas prévu qu’il joue. Il est venu aux répétitions puis finalement on l’a gardé parce qu’il y a eu comme une sorte d’alchimie et vous vous êtes dit, ça ne peut être que ça finalement. Ça ne peut être que lui ?
Ce que l’on entend sur l’enregistrement final de « Ne me dit pas qu’il faut sourire », c’est la deuxième lecture qu’on a faite de la chanson. Pour rire, comme Benjamin était à côté, j’ai dit « ah tu veux bien m’accompagner pour qu’on la fasse ensemble parce que les musiciens sont partis déjeuner ». On était resté en studio comme ça. Et donc il dit « oui pourquoi pas ». Il s’installe au piano et moi je me mets à chanter ; on répète une fois, puis une deuxième fois, et ce qui devait être la maquette est devenue la matrice. Puis comme je sais qu’il joue de la trompette d’une façon formidable, j’ai demandé à Dominique Blanc-Francard d’en jouer. Je lui ai dit quand je ne serais pas là, quand je serais retournée au Québec, j’aimerais que tu poses une trompette sur la chanson parce qu’il n’y a que toi pour jouer de cette façon là. Comme il a fait la chanson, je ne pouvais pas avoir quelqu’un de plus vrai et de plus sincère pour le faire.
Est-ce que vous pensez déjà à la tournée ?
Oui, je suis déjà dans la tournée. Mais dès que j’ai fini un projet, je suis déjà dans l’idée d’un autre projet. Je suis, pour mon entourage, parfois difficile à suivre. Mais j’ai une idée assez nette de là où j’ai envie d’aller ; et surtout, quand j’ai terminé un disque, c’est sur scène que j’ai envie d’aller. Dès la fin du disque, je pensais déjà au spectacle. On a commencé le travail de pré production de la tournée bien avant de poser un orteil sur scène, j’ai fait appel à Yves Desgagnés, un grand acteur.