Scène française
Patricia Kaas Interview
Interview
Avec son spectacle « Kabaret », la chanteuse française vous offre douze très belles chansons, qu’elle a entièrement réalisées et imaginées comme un voyage entre Berlin, Paris et Buenos Aires.
Vous avez débuté votre carrière très jeune. Qu’est-ce qui vous a donné envie de chanter ?
C’est comme partout. On a envie de chantonner sur la chanson, de bouger. Pour moi, à huit ans, c’était peut être un jeu. Mais très vite, c’est devenu une façon pour moi de m’exprimer. J’aimais être sur scène, le partage, et même quand c’était compliqué. Quand je chantais dans les bals du samedi soir, ou à la fête de la bière, le public venait pour s’amuser et pas forcément pour écouter une chanteuse. J’aimais ce côté « combat », ce côté « ils vont voir que je suis là, ils vont m’entendre ». C’est ça qui m’a donné l’envie à la base. Ma mère était mon premier fan, la première personne qui a cru en moi. Les gens lui disaient que j’avais une voix un peu roque, une puissance. Ce n’était pas commun. Je rêvais de chanter, mais pas forcément d’être une chanteuse comme on pourrait le rêver.
Une fois de plus, dans ce dernier album, une de vos particularités est votre capacité à chanter en plusieurs langues. L’allemand, le français, l’anglais, le russe. Laquelle préférez-vous ?
Je dirais le français, parce que c’est la langue de mes émotions. C’est naturel. Quand je rêve, quand je pense, quand je m’énerve, c’est en français. Après, il y a des chansons dans « Kabaret » dont il me semblait évident qu’il fallait les chanter en allemand. L’allemand est ma première langue maternelle, un allemand un peu particulier il est vrai. Il fallait que je chante en allemand sur certaines chansons. Je parle moins bien anglais, surtout avec les « the ». Il y a aussi une expérience russe sur l’album « Kabaret ». J’ai adoré la prof et je l’ai détesté en même temps. C’était dur ! Le français, c’est le mieux au niveau de l’émotion, je n’ai pas besoin de trop réfléchir aux mots. C’est plus naturel.
C’est un cabaret allemand qui vous a donné la chance de vous produire quand vous étiez toute jeune. Est-ce qu’il y a un rapport avec le titre de cet album, « Kabaret » ? Quelles sont les significations de ce titre ?
C’est l’esprit de l’album. C’est le cabaret des années trente à Berlin. Mais aussi l’idée de survoler et se dire « Qu’est-ce qu’il y avait dans les années 30 ? ». Il y avait le cabaret à Berlin, le jazz à Saint Germain, le tango à Buenos Aires. On s’est demandé ce qui représentait bien ça. Ensuite, il y a eu l’idée du « K », à cause de mon nom. C’était plus original. Voilà pourquoi ce « K ». C’est super, parce que ça fonctionne avec le titre de l’album comme ça fonctionne avec mon nom et le contenu.
Je pense à cette chanson, Addict aux héroïnes, qui énumère toutes ces femmes qui vous ont marqué, issues de nombreux milieux culturels et qui ont toutes eu des métiers différents. Est-ce qu’il y en a une qui vous touche tout particulièrement ?
Je dirais Marlène Dietrich. Lili Marlène est une des premières chansons que j’ai chanté. Ma maman adorait. Je connais tous ses films. Dans l’ensemble, ce qui est important dans Addict aux héroïnes, c’est de parler de leurs caractères. Ce sont des femmes fatales assez masculines qui sont indépendantes, battantes. Elles n’ont pas peur de dire non, elles parlent d’érotisme, de bisexualité, de porter le pantalon. C’est cette force là, surtout à cette époque là où la femme n’a pas trop son mot à dire. Je trouve que c’était assez osé. C’est ça que j’aime dans ces femmes là.
Vous avez plusieurs facettes. Vous êtes chanteuse, comédienne. Vous êtes depuis peu l’égérie de l’Etoile. Quel effet ça fait ?
C’est plutôt agréable de savoir qu’une grande chaine de produits esthétiques vous demande de représenter sa marque dans les pays de l’Est. Ils ont une image de la femme française élégante. Je trouvais ça plutôt flatteur. Grâce à ce contrat, je peux aussi présenter un spectacle beaucoup plus complet dans ces pays. Quand on va aussi loin, on ne peut pas forcément emmener tout notre matériel. C’est différent de ce qu’on présente en Europe. C’était important pour moi d’avoir l’argent qui me permet de proposer un spectacle beaucoup plus complet en dehors de l’Europe. Mais c’est flatteur. C’est un pays où j’ai l’impression d’être importante, plus jolie.
Quels sont vos rapports avec la mode ? Vous avez une relation plutôt indifférente, affectueuse, passionnée ?
Ça dépend des moments de ma vie. J’ai pu être une folle de shopping. Après, j’ai été plutôt pantouflarde. J’aime bien la mode mais j’aime bien l’adapter à mon caractère. Une marque doit être mélangée avec d’autres choses. Il faut que ça me ressemble,que ça ressemble à mon humeur du matin. Il ne faut surtout pas qu’on se sente déguisé ou comme un porte manteau, sinon on va mal porter le vêtement. L’idée est de se dire qu’aujourd’hui j’ai une belle robe mais je vais être super mal coiffée et mettre des chaussures qui n’ont rien à voir. Etre un peu décalée. Je crois que ça correspond à mon caractère. Je peux être très nature. D’autres fois, j’aime bien le côté où on joue. Mais on ne joue pas un rôle, on a envie d’être un peu plus fatale parce qu’on se sent comme ça aujourd’hui. C’est un peu comme la scène. Il y a des moments plus maladroits, d’autres plus « mis en place », des moments plus fatals où on se tient droit, des moments où on souffle. Pour moi le vêtement doit être porté selon ça.
Est-ce que c’est cette relation facile et spontanée avec les vêtements qui vous a fait apprécier le fait de distribuer votre album sur le site vente-privee.com ?
C’est un ensemble de choses. C’est pointu. Je ne sais pas si beaucoup d’artistes ont la chance et le courage, après vingt ans de carrière, de présenter un album de cette façon là. J’aimais l’idée, je trouvais ça original. Le fait que ça soit présenté quelque chose de rare, de pointu, de luxueux, je trouve ça plutôt bien.
Vous venez de fêtez vos vingt ans de carrière. Est-ce qu’il y a des moments qui vous ont particulièrement marqué. Est-ce que certaines collaborations vous ont marqué, comme celles avec Jean-Jacques Goldman ? Quel moment très fort vous vient spontanément à l’esprit ?
Vingt ans de carrière, ça ne rajeunit pas ! Je suis assez fière parce que ce n’est pas évident de passer plein de générations comme ça. Il y a toujours des gens un peu critiques qui t’attendent, « Est-ce que c’est toujours Patricia, est-ce qu’elle représente toujours la même chose ?« . Toutes ces questions font peur, surtout que je ne suis pas la personne qui a la plus grande confiance en soi. Je suis vraiment fière de pouvoir dire que ça fait vingt ans que les gens me connaissent. Tout le monde sait qui je suis. Après, on peut aimer ou ne pas aimer. C’est normal, on n’aime pas tous les musiques qui existent. Les gens qui m’ont marqué ? C’est difficile parce que tous ces gens m’ont apporté quelque chose. Après, c’était une bonne expérience, une moins bonne ou une très bonne. Je pense que chaque expérience t’amène vers autre chose. Il y a des moments où tu doutes, des moments où tu te dis qu’il faut aller plus loin, des moments où tu te dis « Là j’ai exagéré ». Et on a envie de s’amuser, de jouer, d’expérimenter plein de choses, pour ne pas tomber dans le train-train quotidien. C’est sûr que de gens comme Goldman, ou ma première expérience au cinéma, m’ont amené de la confiance. Le rôle était en plus super. Ça m’a donné confiance de me voir à l’écran, très peu maquillée, plutôt cernée. Je jouais le rôle d’une femme malade qui ne croyait plus en l’amour. En me voyant à l’écran, je me suis dit qu’il n’y avait que moi qui me connaissais comme ça. Dans la musique, on cherche toujours l’éclairage, la petite bosse sur le nez… On cherche la perfection. Tout à coup, de se voir comme ça, ça donne plus confiance en soi. Moi je dis toujours que les expériences les plus difficiles sont celles qui te font grandir et les plus belles sont celles dont tu aimes parler.
Crédits photos : D.R / Gilles Marie Zimmermann