Scène française
Interview Ridan
Interview Ridan
Cinq années bien remplies se sont écoulées depuis « Le Rêve ou la vie ». Aujourd’hui Ridan sort son troisième album intitulé, « L’un est l’autre », l’occasion pour Zikeo.net de faire le point avec lui.
Tes albums c’est comme une trilogie. Ajourd’hui, c’est la fin du troisième chapitre ?
Un peu. Entre le premier, le deuxième et le troisième album, il y a la continuité d’une sorte de psychanalyse. Le premier album a posé les fondations d’une idéologie entre le rêve et la vie. C’est très juvénile comme analyse mais je pense qu’on est tous plongé entre les difficultés de la vie et la profondeur de l’imaginaire, du rêve. Le deuxième album « L’ange de mon démon » est une prise de conscience plus personnelle, plus introvertie. Le troisième album est la compréhension de soi et l’acceptation.
Tu fais beaucoup référence à l’enfance.
Je pense que l’enfance est l’essence de tout un chacun. Quand on grandit, on prend de la bouteille au sens figuré, on essaie de trouver sa place dans une société. L’insouciance de l’enfance se désintéresse de ça, on a juste envie d’exister. Et je crois que l’adulte qui est en nous a tendance à oublier l’esprit naturel de ce que nous sommes, juste des êtres humains qui devons rêver.
En fait, cet album te permet de faire une mise au point. Tes propos n’engagent que toi mais ils s’adressent complètement aux autres.
Complètement, parce que l’individu c’est nous. C’est un message très simple. Je n’ai pas envie de faire vivre des réflexions que je n’ai pas envie d’assumer pleinement seul. Effectivement, on a le meilleur reflet de soi quand on propage une réflexion à l’autre. Je ne veux pas que l’autre souffre et je ne veux pas indirectement souffrir non plus. Je m’intéresse à l’autre en m’intéressant à moi en passant.
Tu dis « Dans l’incendie de la vie, je ne suis qu’une étincelle ».
Effectivement, je pense qu’il y a un compteur au dessus de nos têtes et malheureusement, jusqu’à preuve du contraire, on ne sait pas quand le notre s’arrête. On a un peu l’impression que la vie est un incendie qui s’allume à la naissance. Certains ont la possibilité de voir l’incendie le plus loin possible. En fait, on n’est que la petite étincelle. J’essaie de faire en sorte que mon étincelle vive le plus longtemps possible.
Tu rebondis beaucoup sur l’actualité et il y a des thèmes qui se répondent, des chansons qui se répondent d’album en album.
Oui, parce qu’entre le premier et le dernier, pratiquement cinq ans se sont passés. L’actualité évolue de jour en jour. Je pense qu’avec le temps on peut répondre à des questionnements qu’on avait quelques années plus tôt. Les problèmes de société sont vitaux pour moi parce que c’est là qu’on vit. On vit avec les problématiques de ce monde. On les digère, on les accepte, on les réfute. C’est indispensable pour prendre conscience de son époque.
Qu’est-ce qui te choque aujourd’hui encore ?
C’est toujours la même problématique. Je crois que c’est la bêtise dans son ensemble. La bêtise s’adapte à tout un chacun, je pense qu’on en a tous un petit peu. Peut être que certains en ont plus ou moins que d’autres… Je pense que la société développe des fléaux de bêtise. Je pense tout de suite à l’intolérance, au racisme, à la difficulté à pouvoir être soi même. Plus généralement, je dirais que c’est le problème d’ambivalence entre l’être et le paraitre. On essaie trop de se rapprocher d’un paraitre plutôt que d’assumer pleinement son être.
Après trois albums, comment tu analyses ton parcours ? Tu as toujours revendiqué un esprit de liberté et d’indépendance ?
Je crois que le meilleur moyen de l’analyser est de ne pas l’analyser. J’essaie de regarder plus devant que derrière. J’arrive vers l’âge du Christ, j’ai 33 ans aujourd’hui… A un moment donné, on commence à regarder un peu dans le rétro. Mais ce que j’y vois ne me déplait pas donc je me focalise sur l’avant. Je ne m’intéresse pas plus que ça à mon parcours. La vie se dessine au fil des pas.
On a l’impression que tu es toujours à la recherche de l’équilibre, une sorte de frontière ? Il y a l’espoir et le désespoir, on en revient toujours à cette alternance. Et tu cherches vraiment à être de plus en plus précis.
Ça s’affine au fil du temps. L’espace d’équilibre se restreint. Plus on avance et plus on est sur la tangente. On a de moins en moins de stabilité. Plus on avance et moins on est stable sur l’objectivité de la notion de l’équilibre. C’est dangereux de se chercher aussi précisément. Plus on se cherche et plus on accepte la chute potentielle. Je crois que dès le départ, quand on se lance dans ce genre de métier, on accepte la chute. La chute ne me fait pas plus peur que ça.
A quoi ça rime est pratiquement un rap !
Oui, je crois qu’on met trop de barrières entre les univers. La musique n’est pas une multitude d’univers et de galaxies différents. On a des planètes différentes mais on vit tous dans la même galaxie. La pop est une planète à part entière, le rap, le rock, même la techno. Tout est potentiellement de la musique. Le grand univers s’appelle « La musique ». Au sein d’un même album, j’ai pour envie et objectif de faire découvrir à celui qui écoute le premier titre le dernier titre, qui est mi rap mi slam, dans un univers un peu spécial. Mais je crois que c’est important de voyager dans un album.
Et en même temps, chez toi, il y a toujours un début et une fin. Il faut qu’il y ait une histoire dans l’histoire.
Complètement. C’est une thématique qui se définit dès le départ. Le premier album était un questionnement idéologique. Je pose le premier jalon de mon univers, qui est le rêve ou la vie, cette alternative dramatique. Si on est dans la vie sans le rêve, on est déjà dans la mort, c’est assez dramatique. Il y a malgré tout une grande envie de rêver. « L’ange de mon démon » poursuit cette analyse et c’est vraiment la clôture de ces deux premiers albums. A l’intérieur de chaque album, il faut qu’il y ait une cohérence dans les problématiques défendues. Il faut qu’il y ait une synthèse globale dans chaque album. Le troisième album est l’esprit de la fraternité. C’est un album d’acceptation de soi, qui passe forcément par l’acceptation des autres.
Il parait que tu es très pointilleux. Il faut que tout soit très juste… ça va jusqu’où ?
Ça va jusqu’à temps que ça soit bien. La limite est là. On a deux manières de travailler dans ce métier là. Il y a ceux qui ont le don. Et ceux qui ont le temps. Moi je n’ai pas le don, donc j’ai le temps.
La créativité est aussi synonyme de souffrance pour toi ? Tu avais des migraines chroniques. Est-ce que ça s’arrange au fur et à mesure ?
Disons que la psychanalyse est quelque chose qui coute très cher. Au fur et à mesure, plus on paye et plus on a l’impression d’être guéri. Mais on est encore dans le fictif. Malheureusement, comme la définition de « chronique », c’est récurrent. Je pense que ça ira mieux quand on sera tous des petits bisounours sur une planète joliment rose. Je vais encore avoir mal à la tête je pense !