Scène française

Les Enfoirés servent la soupe la plus amère des Restos

Toute la Vie : la Soupe des Enfoirés pour les Restos du Coeur

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Les bénévoles des Restos du Coeur servent la soupe aux plus démunis pendant que les Enfoirés nous la versent dans les oreilles.

Le nouveau clip des angéliques « Enfoirés » vient donc de sortir, s’engouffrant dans la brèche déjà bien entamée depuis plusieurs années, de la pseudo bienveillance d’une certaine élite, dont le bulldozer de l’industrie du Charity Business aura fini cette année d’achever les derniers neurones qui les raccrochaient encore à la vie « réelle » du « jeune français moyen ». Pour voir le clip de Toute la vie, cliquez ici !

Petit rappel quand même, on dirait que les origines des Restos du Coeur ont été oubliées en route, il s’agit d’une association loi 1901, reconnue d’utilité publique, fondée par Coluche en 1985. Les missions sociales de cette association sont vastes, elles ne se limitent pas aux Restos, mais visent en premier lieu à l’insertion socio-professionnelle par différents biais (distribution de nourriture, donc, mais aussi chantiers d’insertions, ateliers de français, lutte contre l’illettrisme, accès au logement à la culture et aux loisirs etc…)

La médiatisation de Coluche à l’époque de la création des Restos avait justement permis de développer rapidement son concept, et de mettre en place ses premières « cantines ». Bien qu’à l’époque il espérait que les Restos ne durent pas, on constate aujourd’hui, 30 ans plus tard, que non seulement, ils sont toujours indispensables pour beaucoup, mais que le nombre de bénévoles anonymes investis n’a cessé d’augmenter. C’est beau, la solidarité. Mais on constate surtout depuis plusieurs années que dans le ballet annuel des « Enfoirés » non-anonymes, la situation s’est inversée. C’est à dire que ça n’est plus la notoriété des participants qui sert à la cause, hormis les piliers, pour beaucoup, c’est désormais l’inverse. Pour certains « artistes », c’est désormais la médiatisation de cette association qui entretient leur pseudo ou illusoire carrière. En soi, cette notion est déjà écoeurante. Les artistes sur le retour, en fin de course (au fric) ou à la carrière essoufflée n’ont qu’à jouer les bons samaritains sur TF1 pour voir leur blason à nouveau redoré, avec la conscience tranquille des bénéfices reversés pour l’association. Oui, celle de leur DVD, voire de la tournée, mais pas celle de leur prochain album personnel, évidemment.

Il est courant de voir revenir cette phrase à chacun de leurs passages « Les Enfoirés, ce spectacle où des millionnaires demandent à des SMICards de donner pour des RMIstes ». Mais cette année, ils dépassent clairement les bornes. Il y en a un qui se déclare à la retraite, et qui ferait mieux d’y rester en continuant d’agir dans l’ombre plutôt que de revenir à la lumière une fois par an et écrire le plus affligeant des hymnes « pour la bonne cause ». Oui, il s’agit de Jean-Jacques Goldman.

Autant la participation de certains à cette mascarade n’est pas un étonnement (Lââm, Zaz, Grégoire, M. Pokora) autant d’autres auraient mieux fait de se désolidariser du concept à la lecture et à l’enregistrement de ce morceau écoeurant, insultant pour la jeunesse, mais pas seulement. Les idées sont édifiantes, pleines de bon sentiments évidemment, venant du camp des « Vieux » à mettre, d’après eux, en opposition au camp des « Jeunes » à qui ils s’adressent, vision tout à fait manichéenne des choses, d’autant que parmi les « Vieux » en question, se trouvent Jean-Baptiste Maunier (acteur des Choristes), Jenifer, Zaz, ou Lorie dont les âges canoniques ne sont pas à vérifier. C’est clairement l’hôpital (psychiatrique?) qui se fout de la charité.

Autre remarque, sans entrer pleinement dans cette polémique qui serait sans doute inappropriée, l’échantillonnage retenu pour constituer la « Jeunesse » France (dont parlait déjà Damien Saez désabusé dans Jeune et Con), en dehors du fait d’avoir des voix de crécelles, n’a pas l’air autant représentatif de la France telle qu’elle l’est, faite et composée de métissages culturels. Point positif du côté des « Vieux », les différentes couleurs de peaux y sont sans doute bien mieux représentées.

Mais il n’est pas franchement question de Vieux et de Jeunes en fait quand on y regarde à deux fois (encore faut il réussir à supporter deux visionnages du clip…), on y oppose plutôt le clan de « ceux qui ont « réussi » ou estiment l’avoir fait, à la force de leur bras « on s’est battu on n’a rien volé », à ceux qui cherchent des fausses excuses contextuelles, dont personne n’a évidemment à tenir compte « Vous aviez tout, paix, liberté, plein emploi, nous c’est chômage, violence, SIDA » et sans doute qu’en plus ils se confortent dans leur statut de victime sans bouger, sans rien faire, « faudrait vous bouger (..) Vas-y », et se droguent pour oublier leur misère sociale « Je rêve ou t’es en train de fumer ?» (extraits réels du texte, si, si)

L’auteur de J’irai au bout de mes rêves, oppose niaisement la jeunesse qu’il considère en manque d’ambition (bien que parfois bardée de diplômes tout en pointant à Pôle Emploi), à ceux qui ont sans aucun doute cru en leur rêves, ont travaillé dur pour certains, mais ont indéniablement également bénéficié en partie du facteur chance, ou ont accepté parfois de renoncer à certaines de leurs convictions, formatés et broyés par l’industrie musicale et culturelle de masse (On reparle de Zaz et de son concert à 40 000 euros la demi-heure?)… Ce dur labeur est également prôné par des personnes issues de la télé-réalité (exemple idéal du « on s’est battu on a rien volé », évidemment) ou des auteurs de textes sans âme pour certains, mais pas tous (Mc Solaar, que fais-tu parmi eux?.. Jean-Jacques Goldman, Michael Jones, Maxime Leforestier, Zazie, Julien Clerc…. J’apprécie certains de vos albums, j’avais du respect pour vous. Tristesse. Pierre Palmade, Michèle Laroque, vous avez fait rire, cet ignoble morceau donnerait plutôt envie de pleurer).

Les Enfoirés défendent ce clip en parlant d’un message d’espoir, mettent en opposition hypocritement le fossé générationnel, alors qu’il n’est même pas question de ça. Il est question de ceux qui vivent dans la réalité, et qui savent aujourd’hui que même ceux qui se battent ne sortent pas forcément du lot et à qui ces « Anciens » ne savent que répondre des phrases bateaux du type « C’est la vie », ou le magnifique « J’envie tellement ta jeunesse » (si on ne parle pas de niaiserie ou de se battre contre des moulins là !) alors que les « Jeunes », pleins de répartie rétorquent « quel ennui, je l’échangerais bien contre ta caisse ». Certains y comprendront « ta voiture », moi j’y ai étrangement entendu le bruit du tiroir caisse du Money de Pink Floyd. L’argent, en masse, serait donc la seule chose à envier, à rêver.

Certains Enfoirés oublient d’où ils viennent et insultent ceux qu’ils considèrent sans doute comme des assistés ou des jemenfoutistes, qui fument pour oublier le contexte dans lequel ils évoluent. Il est évidemment bien connu que le show-business et la drogue n’ont absolument aucun lien. Il est préférable de penser que ce texte est juste niais plutôt que de prendre ça pour une provocation, ça serait quand même plus qu’étonnant de la part de Jean-Jacques Goldman, il n’empêche que le pavé dans la mare a été jeté, et aujourd’hui beaucoup de personnes en ont la nausée, comme s’ils avaient besoin de ça en plus de leurs problématiques initiales.

L’Humain et la Culture se meurent déjà chaque jour un peu plus, (pensées pour le Théâtre du Poche de Béthune), mais avec cette nouvelle démonstration d’obscurantisme, l’esprit de Coluche a été définitivement piétiné. Il ne s’agit pas un message d’espoir, ce texte a complètement décroché de la réalité dans laquelle vivent non seulement la jeunesse, mais aujourd’hui, à peu près n’importe quel français moyen, en dehors des nantis, où chaque jour peut-être un combat, et ce genre de discours est également insultant pour les premiers concernés, c’est à dire, les bénéficiaires des Restos du coeur, composés de jeunes et de moins jeunes, qui bénéficieront de repas servis par des bénévoles, en partie, grâce aux ventes liées à ce morceau, et qui, en écoutant ce texte lamentable auraient de quoi cracher dans la soupe.

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