Scène française
Interview Gregoire
Interview Grégoire
Il est le premier artiste produit par le grand public en France. Le registre musical de Gregoire est celui de la chanson à texte, soutenu par des mélodies efficaces. Gregoire est un artiste complet, intègre, dans les pas des grands noms de la chanson française, à l’aube d’une carrière des plus prometteuse.
Nous sommes là où tout se prépare pour la tournée. Tout à fait Tu peux nous dire un petit mot sur la préparation ?
Cette préparation se passe avec cinq musiciens. En live, je serai accompagné d’un groupe de cinq personnes très talentueuses, un pianiste, deux guitaristes, une basse et une batterie. Pour l’instant tout se passe bien. Ce sont des musiciens que j’ai depuis le début. Le pianiste était le pianiste de l’album.
Tu peux nous dire l’idée que tu as de la scène ? C’est le prolongement de l’album ? Tu as voulu tester des choses ?
C’est le prolongement de l’album. Le live est surtout pour moi quelque chose de différent de l’album, quelque chose de plus. C’est le moment de vérité. Je n’avais pas l’envie de reproduire exactement mon album, à ce compte là autant rester chez soi et écouter l’album. Je voulais donner quelque chose de vivant, c’est la traduction du mot live, donner quelque chose et faire participer le groupe. C’est ce qu’on est en train de faire, on aménage des morceaux pour la scène. Il n’y aura pas forcement tous les mêmes instruments. Mais c’est la même ambiance et les mêmes morceaux, auxquels on a rajouté quelques petites choses.
Il y avait des idées un peu en suspens quand tu as arrêté l’arrangement de l’album ? Il y a un côté où l’on ne s’arrête jamais ?
J’étais assez définitif sur mes morceaux mais j’ai fait exprès de faire des morceaux jouables en guitare-voix ou en piano-voix, ou en groupe en live, sans ordinateur. J’aime ce qui est acoustique, même si j’adore des groupes qui font de l’électronique. Mais j’avais envie de faire des choses, que ce soit un peu rock, mais de rester très pop. Je suis très fan de Cat Stevens, Bob Dylan, tout ce qui est un peu folk. Je voulais quelque chose de palpable et que l’on peut reproduire.
Finalement, quand tu composes et que tu écris, tu retrouves ton intimité un peu non ?
Oui c’est cette idée. Je pars du principe qu’une chanson doit suffire en instruments-voix. Après on rajoute, on fait des arrangements pour créer son univers. On peut faire tous les arrangements du monde, même des arrangements ringards, si la chanson est bien elle reste bien. C’est mon point de vue. Après en concert, je vais donner ces moments où la chanson est complètement dénudée, comme elle l’était à la base, avant que tout le monde n’arrive.
Peux-tu nous donner des exemples par rapport à des chansons de l’album que tu as pu réarranger ?
Il y aura des inédits, qui seront fait en guitare voix, que je n’ai pas voulu arranger. Ça va être brut de pomme. Après, il y en aura une en particulier que je ferai dans une version que l’on connait peu et qui finira dans sa version connue.
Est-ce que tu as du feedback de la part des gens ?
De la part des fans producteurs c’est évident, surtout de ceux qui ne te connaissait pas, qui ne savait pas d’où tu venais, du fait de faire un album très intime, de rupture, de choses très personnelles, et qui touche le plus grand nombre. C’est un album qui parle de sentiments. Je ne sais plus qui disait ça : on vit trois périodes dans la vie, avant l’amour, pendant l’amour et après l’amour. Pour moi, que ce soit Jacques Brel, Jean Jacques Goldman ou Christophe Maé, ils disent tous « je t’aime, tu me manques, reviens », d’une manière différente avec leurs mots et leurs mélodies. Mais le fond reste le même. J’étais parti du principe de faire quelque chose de différent, à ma manière sans prétendre réinventer quoique ce soit ou sortir une idéologie, une philosophie quelconque. Je ne prétends pas sortir de nouvelles idées, je veux dire « tu me manques » d’une autre manière. Après, je pense que c’est peut être ça qui a touché les gens. Si on pouvait expliquer pourquoi on a du succès et pourquoi on n’en a pas, tout le monde aurait du succès ou tout le monde n’en aurait pas. Mais il y a aussi une question de conjoncture. Il y a pleins de choses comme ça, qui font que. Je ne peux pas vraiment expliquer ça. J’ai voulu faire des choses sincères et honnêtes. Je pense que quand on fait ça les gens le sentent quoiqu’il arrive, même s’ils n’aiment pas le style de musique. Si je n’aime pas forcément le style de quelqu’un, si la personne le fait honnêtement, j’ai tendance à le respecter.
Tu n’as pas cherché à faire quelque chose de grandiloquent ?
Je faisais des chansons, c’était une évidence et une obligation. J’ai essayé de pousser des portes parce qu’à 50 ans j’aurais toujours fait des chansons. Je ne voulais pas m’arrêter en me disant « mais si j’avais tenté… ». J’ai tenté, j’ai eu la chance que l’on m’ouvre des portes. Mais ça part de cette démarche toute simple, et d’essayer de prendre conscience qu’on a tous des chagrins d’amour, qui que l’on soit, quelque soit notre fonction, notre origine, notre religion. Partir de mon particulier et arriver à une certaine démarche, pour faire des chansons à peu près universelles. Je chantais « Je l’aime à mourir » pour dire je t’aime à des filles comme j’ai écouté Ne me quittes pas après des chagrins d’amour pour me soulager, comme si j’écoutais un ami qui me disait « Moi aussi je l’ai vécu ». En fait, j’ai juste reproduit la même chose. Quand quelqu’un s’approprie une des mes chansons et me dit « cette rupture là me fait penser à moi, cela m’a permis de sortir des mots parce que je n’arrive pas à en sortir« , c’est pour moi la seule récompense, la plus belle. C’est comme quand Toi + Moi servent une cause telle que celle des enfoirés. C’est cette idée là. Après, que je vende 30 albums ou 400 000, c’est moins important. Bien sûr, vivre de ma musique c’est important mais je n’ai pas des rêves de villa, de robinet en or. Si je peux juste vivre de ma musique, manger et me loger, c’est le strict minimum.
Ce que tu recherches, c’est de ne jamais trahir sa vérité, de ne pas se départir du propos. Ce sont ces mots là que tu as envie de dire et pas d’autres ?
Il y a un côté très honnête. C’est comme l’infidélité, c’est techniquement très compliqué. Par principe, je suis fidèle parce que je trouve ça absurde de tromper quelqu’un, personne ne force quelqu’un à être avec quelqu’un, donc si c’est pour tromper ça ne sert à rien. Mais en plus, c’est techniquement très compliqué, c’est comme le mensonge. C’est compliqué de mentir et de tenir le mensonge sans se faire avoir. Donc je pars du principe que si je dis la vérité, si je raconte mes histoires, si je reste honnête et droit, j’aurais moins à calculer, moins à réfléchir sur le reste. Je n’aurais pas de problème de conscience « tiens je dis quoi à untel ? ». Je dis la même chose à tout le monde et au moins tout est plus simple. 8/En même temps tu as dégoupillé sur Toi + Moi puisque tu as dit « Vous pouvez trouver ma chanson bien naïve, mais malgré tout c’est ce que j’ai à vous dire, c’est ce que je ressens ». Oui, c’est ça. Il y avait ce côté. Je me disais que ça allait être pris naïvement et je voulais écrire une chanson positive. C’est toujours plus dur d’écrire sur quelque chose de joyeux, simple. J’aime bien l’idée d’utiliser des mots d’enfant, il y avait l’idée de chanter une comptine. C’était un message bête mais un message très simple. C’est pour ça que ça peut être naïf, parce qu’il y a des gens qui aiment les beaux discours, qui aime les choses comme ça. Il y a des gens qui veulent toujours intellectualiser les choses. Moi je ne voulais pas. Je le fais consciemment et je pense que c’est plus simple d’être comme ça, d’être un peu vierge de tout et de ne pas toujours se méfier. Dire « lui c’est un benêt, ça ne nous intéresse pas ce qu’il sort »… Moi j’aime bien les gens qui s’émerveillent de tout et de rien, qui dans un sens profite de la vie plutôt que des gens blasés. Je pense qu’ils ne sont pas très heureux.
Tu as l’impression de résister par rapport à ça, au regard des autres ? Il faut un peu lutter et combattre ?
Je pense qu’il ne faut pas lutter. Je pense qu’on est beaucoup plus nombreux à penser les choses comme ça. Après il y a tout ce qui est apparence. Il y a des milieux, des endroits où il faut forcément être très intelligent, très cultivé… Je pense que l’intelligence ne se mesure pas à la culture ; la culture peut aider mais il y a des gens qui sont juste intelligents du coeur. Ils font beaucoup de choses pour les autres. Les gens qui refont le monde dans leur salon et crachant sur les autres en permanence, ça ne m’intéresse pas. Quitte à refaire le monde, il faut aller dans la rue faire quelque chose.
Il y a justement un pont dans le clip de « La rue des étoiles », entre l’enfance et le monde adulte, avec l’animation.
J’avais demandé un esprit « Petit Prince », un dessin assez naïf, quelque chose d’assez simple. Il y a cette idée que la terre va un jour disparaître et qu’on vivra sûrement dans l’espace, c’est probable. Je ne pense pas que je le verrai de mon vivant ! Mais il y a l’idée d’une invitation dans un voyage futuriste. J’aime bien cette idée de sentiment très simple, très brutal, comme les relations de couple. J’ai tendance à dire « je t’aime » au lieu de calculer et de dire « je t’aime » pour que l’autre nous dise je t’aime… On dit les choses si on a envie de les dire, on n’essaie pas de calculer… J’aime bien cette idée de quand on aime on ne compte pas. Il y a beaucoup de phrases qui existent, des clichés « Venise est une belle ville ». Et oui Venise est une belle ville. Si c’est un cliché c’est qu’il y a quand même une certaine logique. Toutes ces phrases là sont aussi un peu vraies. Il faut être naturel mais parfois on se prend des claques. On se rend compte que les gens se mettent beaucoup de costumes alors qu’on est tous comme ça.
Comment tu analyses ton parcours dans la musique, jusqu’à cet aboutissement, cet album et le succès. Tu as 30 balais. Tu as l’impression que ton parcours, tous ces boulots que tu as pu faire, ça a nourri ta musique ? Comment tu l’analyses aujourd’hui ?
Je ne crois pas forcément à des destins ni à des hasards, je crois plutôt à des circonstances bizarres. J’analyse tout mon passé par rapport à mon présent. Tout mon passé m’a amené jusqu’ici. Il aurait pu m’amener autre part. Je referais tout. La seule chose que je me dis c’est que mes petits boulots, toute la patience que j’ai dû accumuler pour arriver jusqu’ici, m’a servi dans le sens où je suis content d’arriver à ça à 30 ans, plutôt que d’y être arrivé à 20 ans. A 30 ans, ça me permet d’avoir le recul que j’aurais pu ne pas avoir à 20 ans. Aujourd’hui les choses se passent très bien pour moi. Mais dès demain tout peut s’arrêter, rien n’est jamais acquis. Il faut continuer. Je pense qu’à 20 ans je me serais pris pour le roi du monde. Là, je me dis juste que j’ai fait d’autres choses avant, que je pourrais refaire après, on ne sait jamais. Pour l’instant, j’espère durer dans la musique mais il va falloir travailler. C’est un métier, ce n’est pas quelque chose qu’on reçoit un jour, c’est un métier, il faut travailler. Il y a cette idée de passion mais la passion est quelque chose qu’on ne maîtrise pas.
C’est comme pour le couple ?
C’est Rilke qui disait que le couple était fait pour les personnes mûres. On est passionné quand on a 18 ans mais ce n’est pas ce qu’on appelle l’amour. L’amour c’est deux personnes réfléchies qui décident de s’accompagner dans la vie. Je pense qu’on ne peut pas être passionné pendant 40 ans, donc si on veut rester 40 ans de sa vie avec quelqu’un il faut être réfléchi. Faire des métiers comme ceux là, où il y a une fascination de la part des autres, où il se passe plein de choses qui ne se passent pas forcément dans des métiers plus standards, il faut vraiment le prendre comme un métier. C’est pour ça que j’aime bien les gens comme Jean Jacques Goldman, Francis Cabrel qui viennent juste faire leur métier, chanter leurs chansons, parfois faire un concert, de la promo quand il faut, mais qui ne sont pas dans toutes les soirées people, qui ont leur vie à côté de leur métier tout simplement.
Est-ce que ta musique était déjà en place ? Depuis très longtemps tu savais déjà la façon dont tu plaçais ta voix ? Musicalement, tu savais ce que tu voulais, tu sentais déjà ça ?
Très tôt, ma composition a tendue vers ce genre de chansons populaire, et qui tend vers la variété. Je ne voulais pas être sectorisé dans un style très précis, mais très pop-folk. Très vite, je me suis crée ma voix en m’écoutant, en m’enregistrant. Je n’ai jamais pris de cours. Je ne vais prétendre avoir la voix de Cat Stevens, mais je voulais vraiment une voix écorchée vive, déraillée. Je me suis façonné ma voix comme ça. Après, je l’ai peaufiné, j’ai eu la chance de rencontrer Franck Authié, avec qui j’ai enregistré mon album et qui a compris ma démarche, mes qualités musicales et mes défauts, et qui a su me mettre en valeur et comprendre où je voulais aller. Dans tout ce qui est la simplicité, sans forcément faire dans la facilité, dans ce côté très écorché vif, brut et naturel.