Scène française
Interview Joseph d'Anvers
Interview Joseph d'Anvers
A l’occasion de la sortie de son nouvel album, « Les jours sauvages », Zikeo.net vous propose de découvrir la seconde partie de l’interview de Joseph d’Anvers.
Tu as une formation dans le cinéma, tu étais chef opérateur. Ça ne te quitte pas ?
La musique est une image, on essaie de mettre quelques notes là-dessus. On essaie de garder une image forte.
C’est ce que tu recherches ? Kids est ton premier single et c’est un hommage à un réalisateur que tu aimes bien non ?
C’est une des dernières chansons que j’ai écrite, tout en anglais à la base. C’était un clin d’oeil à Larry Clark, et à tous le cinéma indépendant américain assez typé années 90, Gus Van Sant, Gregg Araki par exemple. Et puis j’ai eu envie de faire un truc en anglais. Je savais que je partais avec Mario Caldato, je me suis dit que j’allais essayer de faire une chanson en anglais. Et arrivé à Los Angeles, Mario m’a appris que l’un des Beastie boys, Money Mark, avait bien aimé ce qu’il avait entendu quand Mario lui avait fait écouter les pré-mix. Il proposait de chanter quelque chose sur cette chanson. J’étais super heureux. Je me suis dit que c’était un peu con de faire un duo en anglais avec lui, il est américain et je suis français, j’allais forcément avoir un moins bon accent. Comment faire ? Je me suis dit j’allais réécrire en Français. Et voilà. J’ai un peu réadapté le texte dans l’avion qui m’emmenait à Los Angeles et on a chanté cette chanson tous les deux. C’est le premier single de l’album.
Quand on écoute tes chansons, c’est baigné d’une certaine mélancolie, on est un peu désabusé. Est-ce que tu es aussi tourmenté que tes textes peuvent le laisser paraitre ?
Surement. J’ai toujours coutume de dire que je suis quelqu’un d’assez optimiste et pas aussi sombre que ce que j’écris. Mai ce que j’écris vient de moi, ça n’a rien d’extraordinaire ou de particulièrement sombre. O a tous une part sombre et une part « publique ». Cette part sombre est ma part publique, c’est ce qui est un peu paradoxal. C’est vrai que je suis plus attiré par ce genre d’histoires. On parlait de cinéastes, en musique c’est pareil. Je ne suis pas sûr qu’Alain Bashung ait fait beaucoup de chansons très gaies. Tous mes artistes de chevet, Gorillaz, Radio Head ou les Beasty Boys, sous leurs abords bon-enfants il y a des textes assez sombres. C’est ce que j’aime bien. Je ne crache pas sur tout ce qui est plus gai mais ce n’est pas mon truc, je n’y arrive pas. Gainsbourg faisait tout le temps des parallèles avec la peinture. Il disait « le bonheur est un ciel bleu ». Essaie de peindre un ciel bleu, il y aura un bel aplat bleu et rien de plus. Par contre, si tu essais de peindre un beau ciel chargé de bord de mer, là tu auras des choses à regarder et des choses à dire. C’est un peu ce que j’essaie de faire, de parler de ciels plutôt orageux.
Jusqu’où va cette exigence dans l’écriture ? Tu as cette obsession de dire le mot juste, d’être toujours très précis dans ton vocabulaire ?
Disons que cette exigence est de plus en plus grande malheureusement. C’est de plus en plus compliqué pour moi. Le premier album a été écrit de manière instinctive, sans même savoir que j’allais faire un album. Je n’avais aucune pression. Pour le deuxième, je savais qu’on avait beaucoup parlé de mes textes, et de cette façon d’écrire. Je me suis dit qu’il fallait faire gaffe et essayer d’être à la hauteur. Après, pour Dick Rivers et Alain Bashung, j’étais encore un peu plus attendu donc je fais gaffe. Pour réfléchir au troisième, je fais encore plus attention. J’écris aussi pour d’autres personnes en ce moment. L’exigence est grande. Pour moi, il y a un truc français que je n’aime pas trop. On parle souvent de chanteur à texte mais jamais de chanteur à musique. Pour moi une chanson c’est du texte et de la musique. C’est con de dissocier l’un de l’autre. Si on écoute une chanson, c’est aussi pour ce qu’elle raconte. Ça peut être léger et frais, avoir quatre lignes de texte et c’est bien aussi. J’écoute ce genre de chansons. Mais moi j’ai envie de raconter des choses, pas forcément du domaine du quotidien. Dans ce deuxième album, j’ai essayé de raconter ce qui se passait dans la tête d’un homme. C’est un disque introspectif. Le troisième sera surement un peu différent. C’est l’approche qu’avait Alain Bashung avec ses auteurs. Il faut se dire que pour chaque sens, il y a un mot. Il faut trouver le mot qui a le sens le plus fort et qui sonne le mieux. Là, comme je me confronte à d’autres interprètes qui ont un passé, je ne peux pas leur écrire n’importe quoi, je retravaille beaucoup. J’essaie vraiment de trouver le mot juste. Maintenant j’ai cette petite expérience qui me permet de me dire de manière instinctive « là quelque chose ne va pas. Qu’est-ce que c’est ? ». Je tourne, et je retourne… C’est un peu de boulot ! En même temps, je n’ai pas envie que le texte prenne trop le pas sur la musique. Il y a un côté épuré. C’est compliqué, il n’y a pas de méthode et je pense que tout le monde travaille de la même manière. Pour moi, c’est une savante alchimie sur un fil. C’est un peu comme sur mon album, je suis un peu comme un funambule. J’essaie de ne tomber ni dans le pathos, ni dans le ridicule, ni dans le trop sombre. Il faut vraiment être sur la corde.
Après deux albums tu as forcément des feedbacks, on te renvoie des choses, des interprétations de chansons. On se dit que ça a peut être été une révélation pour toi. Qu’est-ce qui t’a le plus surpris, par rapport à certaines réactions ?
J’en ai beaucoup parlé avec Alain Bashung justement. Je parlais de l’incompréhension de certaines personnes sur mes textes. Sur ce deuxième album, j’ai essayé d’être un peu plus poétique et moins frontal. Il fallait que les gens trouvent le sens, qui était pour moi très clair. Lui me disait que de toute manière, il y aura autant de lectures que de gens qui t’écouteront. Dis « le ciel est bleu » et il y aura quelqu’un pour te dire « pourquoi as-tu voulu dire que le ciel est gris ? ». Quelque soit ce que tu regardes dans la vie, que ce soit de l’art, dans la vie quotidienne ou politique, tu vois les choses par un prisme qui est ton propre vécu et ta propre personne. Quelqu’un qui a une histoire différente de la mienne va forcément comprendre autre chose. C’est ça que j’aime en même temps. Via internet, Facebook ou Myspace, j’ai beaucoup de messages de gens qui ont trouvé des choses dans mes textes, qui en parlent et qui ont besoin de se livrer. Ça me fait plaisir parfois de trouver des gens qui comme moi avec d’autres chanteurs, ont trouvé du réconfort, de l’aide, cette espèce de miroir de leur vie dans certains de mes textes. En ça je me dis que j’ai réussi une partie du pari.
Le tout est de rester fidèle à sa pensée, à ne pas se laisser influencer par ces interprétations ?
Voilà, mais tu ne peux pas t’empêcher d’être influencé par les gens qui ont déjà écrit des chansons, parce que ce sont tes ainés et que le public te renvoie à eux. C’est un exercice très compliqué parce que tu es seul juge et ça c’est très dur à vivre au quotidien et sur la longueur. Tu ne sais jamais si tu es dans le vrai. La musique ce n’est pas des maths. Est-ce que tu es dans le bon goût, dans ce que tu voulais vraiment faire, ce qui te préoccupe réellement ? Personne ne peut te le dire. Il n’y a que le public qui peut te le dire quand l’album devient public.
Pour terminer, quelqu’un a dit parmi les journalistes « Un disque qui s’écoute facilement et qui se comprend dans la longueur ». Ça te plait cette idée là ?
C’est parfait, c’est exactement ce que je cherchais. C’est un disque plus pop que le premier, plus facile d’accès, plus lumineux au niveau de la musique mais en même temps avec des choses plus profondes, à lecture multiple, donc ça me va tout à fait, c’est une très bonne définition.