Scène française
Interview Kamel Ouali
Interview Kamel Ouali
A l’occasion de la tournée hexagonale de la comédie musicale « Cléopâtre », Zikeo vous propose l’interview de Kamel Ouali.
Est-ce qu’on peut faire un petit bilan de ces trois mois de représentations, peut être en chiffres, parce que ça peut être impressionnant ? En chiffre ?
Mais je ne suis pas producteur ! Je ne sais pas, je sais que c’est un joli succès, qu’on est numéro 1 de tous les spectacles confondus en France. Ce que je sais surtout c’est qu’à chaque représentation le gens font une standing ovation, c’est génial, c’est bien de récompenser tous ces artistes qui sont sur scène et qui se donnent à fond sur chaque show.
Tout ça a été pharaonique à mettre en place. L’idée était ambitieuse. Comment est-elle née, je crois que c’était presque en même temps que « Le Roi Soleil » ?
J’avais proposé à mes producteurs de l’époque et « Le Roi Soleil », et « Cléopâtre ». Je savais que si l’un marchait je ferais l’autre. Mais je n’avais pas envie de commencer particulièrement par l’un ou par l’autre. Finalement, en parlant et en partageant avec les équipes, on s’est dit qu’il valait mieux commencer par « Le Roi Soleil ». Succès aidant, on a fait « Cléopâtre ».
Est-ce qu’il y avait une idée très précise des personnages à incarner, une vision en tête, avant même de faire une maquette ou quoique ce soit ?
Les maquettes ont été faites par rapport à la personnalité des gens qui sont sur scène. Tout a été travaillé autour de Sofia, de Dominique, de Chris, de tous les chanteurs. On a pris des chansons qui leur allaient. J’avais une envie très particulière sur le style musical mais on n’a pas pris un titre qu’ils n’aimaient pas en tout cas.
C’est un spectacle qui fait référence à une période de l’histoire. En même temps, il fallait que ça raisonne au présent ? C’était ça l’idée ?
Moi j’avais envie de traiter ce sujet, qui est un sujet d’époque sur cette femme assez incroyable, avec tout ce qu’on fait aujourd’hui, les nouvelles technologies. Quelque part, certains traits de la personnalité et du caractère de cette femme pourraient très bien être attribués à une femme d’aujourd’hui.
Kamel, vous avez beaucoup d’expérience en comédies musicales, « Autant en emporte le vent »… Est-ce que là vous avez supervisé ? C’est allé jusqu’où ?
La première sur laquelle j’ai travaillé était « Les dix commandements ». Je signais simplement la chorégraphie. Sur « Autant en emporte le vent », j’ai signé la mise en scène et la chorégraphie. Je suis l’initiateur du projet « Le Roi Soleil », je fais partie de l’écriture. Après, je m’entoure d’une équipe que j’aime, des gens avec qui j’aime travailler. Il y a beaucoup d’échanges. C’est un spectacle qu’on ne fait pas tout seul. Que ce soit l’équipe de production ou l’équipe artistique qui m’entoure, je pense à Dominique Borg, la créatrice des costumes, je comprends pourquoi elle a eu Molière et César. Bernard Arnould a fait un décor superbe en très peu de temps. J’avais un autre décorateur, qu’on a remercié pendant le montage parce que c’était très compliqué de travailler avec lui. Il a relevé le défi et nous a proposé un truc super. Tout le monde, les artistes, l’éclairagiste, c’est un travail qu’on fait ensemble.
Vous laissez une bonne liberté de créer quelque chose, on en parlait avec Sofia, une certaine liberté de donner une dimension au personnage, même au niveau des décors, de tenter des choses ?
Si elle le dit, c’est bien ! Pour moi au contraire, je ne suis pas assez généreux avec ça. J’aime bien contrôler et je contrôle trop. A chaque fois j’ai peur de ne pas assez donner de liberté. Comme je leur dis à chaque fois à la première, « Maintenant le bébé vous appartient, je coupe le cordon, faites le évoluer. A vous de jouer. » Mais je suis quand même très carré dans ce que je veux et je sais où j’ai envie d’aller. Je pense qu’avec la maturité on est plus généreux dans l’échange créatif. Pour l’instant, je ne suis quand même pas très prêt.
Est-ce qu’au niveau des idées, au fur et à mesure des spectacles qu’on met en scène, on a une vision de plus en plus réaliste de ce qu’on peut faire ? Ça peut être très ambitieux dans l’idée et on se rend compte quand on doit le faire que ce n’est pas toujours réalisable. Pour « Cléopâtre », je suppose qu’il y a eu des idées comme ça?
Vous me rajeunissez, parce que généralement, plus on a de l’expérience et plus on s’autocensure. Moi pas du tout. Par rapport à ce qu’on a, et on a beaucoup de choses, plus de 70% des choses ne sont même pas là. J’aime bien aller jusqu’au bout. Quand les devis arrivent et qu’on me dit « voilà combien ça fait, ce n’est pas réalisable », je reprends ce que j’avais envie de faire, je le transforme, et ça m’amène à être plus créatif. Je n’ai aucun problème avec ça. Mais j’aime bien délirer et aller jusqu’au bout.
On peut dire que « Cléopâtre » est spectaculaire, il y a des scènes de voltige… On peut revenir sur certaines scènes qui ont peut être été difficiles à réaliser ?
Les vols ont été très compliqués parce que je n’avais pas envie d’avoir des moteurs comme on peut en avoir sur certains spectacles où tout est super mécanisé, et qui manquent de poésie. On a fait appel à Jean Claude Blaser, qui a une technique de vol extraordinaire ; ce mec est un poète, on ne voit pas les choses arriver. Son système à lui est magnifique, on dirait presque des marionnettistes. Ça a été très compliqué et très long à mettre en place. Je voyais le temps qui passe, et je flippais, car le spectacle approchait ! Mais je suis content du résultat.
Il y a des éléments de décor très spectaculaires. Quand on pense que le spectacle va maintenant être itinérant ! Ça doit poser des problèmes logistiques, il y a une énorme figure d’Isis.
Ce n’est pas Isis. On ne sait pas qui c’est, cette tête qui fait plus de six mètres de haut. C’est une gravure qu’on a trouvé dans un bouquin mais ils ne savent pas qui c’est. Elle sera sur scène dans toutes les villes. C’est très complexe de mettre en place ce spectacle en tournée mais il y a des gens très biens qui s’en occupe et on va y arriver.
Oui. Je me suis amusé. On a été le plus loin possible. Il y a plein de choses au niveau du décor, plein d’effets. A côté de ça, il y a aussi des moments intimistes, une chanteuse qui est là et qui chante sans qu’il y ait 50 millions de trucs autour d’elle. Mais c’est vrai que ça reste un spectacle très visuel.
C’est un spectacle à 180°, même s’il y a des scènes qui sont plutôt intimes, parce qu’on prend vraiment toute la largueur de la scène par moment ?
Bien sûr, on prend toute la largeur de la scène, il y a des gens dans les airs, c’est une sorte de petit spectacle en 3D. C’est ce que j’aime et je trouve qu’un personnage comme Cléopâtre, par rapport à tout ce qu’elle raconte et ce qu’elle a vécu, il fallait que ça soit grandiose. Il se passe beaucoup de choses. Il faut aussi penser qu’il y a des gens sur les côtés, qui sont très loin. Je ne fais pas un spectacle pour une salle intimiste, je fais un spectacle pour une scène comme un Palais des Sports et un Zénith. Il y a plein de choses, c’est très riche. Souvent je reçois des courriers où on me dit « Il faut qu’on revienne, il y a plein de choses qu’on n’a pas vu ». Ou alors « C’est la troisième fois qu’on vient et ça on ne l’avait pas vu ! ». Tant mieux.
Qu’est-ce qui a le plus évolué au bout de ces trois mois ?
Tous ces artistes qui se sont appropriés le bébé et qui ont fait évoluer leur personnage. J’aime bien ça.
Vous avez le petit mot pour constater la façon dont ça a évolué et peut être refaire des choses ?
Oui, les choses qui ont été écrites ont été modifiées au fur et à mesure des répétitions. Il y a des choses qui coinçaient, on sentait que ça ne coulait pas. On a aussi retravaillé par rapport aux artistes qui étaient en face de nous.
Quels sont les bons ingrédients pour qu’une comédie musicale fonctionne ? En France, même si on connait les comédies musicales à l’étranger, les musicals à Londres, c’est encore autre chose. Qu’est-ce qui fait qu’à un moment donné ça touche le public ?
Si on le savait, tous les spectacles seraient des succès. Je n’en sais rien. Je pense qu’il faut avant tout un thème fédérateur, des artistes bétons sur scène. Le reste, je n’en sais rien. J’ai vu des spectacles que j’avais trouvés fabuleux, notamment « Le petit prince », qui n’a pas du tout marché. Donc je ne sais pas. A côté de ça, j’ai vu de grands spectacles qui se sont montés, qui n’ont pas marché et que je n’ai pas aimés. Il n’y a pas de règle. Je n’en ai aucune idée pour l’instant.
Est-ce que l’expérience de la télé et du cinéma enrichit beaucoup la représentation que l’on veut donner, par rapport à un spectacle comme celui-ci ? On demande aux chanteurs/comédiens de jouer du théâtre ? Il faut occuper la scène, c’est complexe.
Un spectacle musical comme celui là est complexe parce qu’il faut savoir chanter, danser, jouer la comédie, faire des numéros d’acrobatie. C’est compliqué pour eux mais ils ont une formation pour ça. Pendant un an ils ont eu des cours, ils ont été coachés. C’est très complexe à mettre en scène mais c’est différent du cinéma, c’est différent de la télé. J’aime beaucoup, donc pour moi ce n’est pas complexe. A partir du moment où j’aime et où il y a des challenges, c’est quelque chose qui m’attire. Je ne le prends pas comme un défi. A aucun moment je me suis dit « Mince, dans quelle galère je me suis embarqué ». Ce n’est pas du tout ça. C’est juste que j’ai la possibilité d’accéder à ce genre de spectacles et que j’ai beaucoup de chance, donc j’en profite. J’essaie de transmettre ça aux artistes qui sont sur scène.
De quoi êtes vous le plus fier, avec un peu de recul ?
Du casting, que ce soit les chanteurs, les danseurs… Déjà il y a une super ambiance entre eux. Et le talent qu’ils ont, ils sont tous beaux ! Une jolie âme se dégage d’eux. Au-delà d’être super doués ils ont une super plastique, un truc à raconter, des gueules… Je suis très content du casting.
Il y a une sorte d’émulation, certains qui tiraient vers le haut, d’autres qui ont découvert l’exercice, Christopher par exemple. Vous avez senti ça ?
Oui, chacun apporte un truc différent. Et à un moment donné, ce qui est important c’est qu’il y ait une rencontre. Chris qui vient du rock, qui a fait des scènes à travers les Etats-Unis et un peu en France, qui a fait deux albums plutôt rock, a apporté un autre truc. Il a échangé avec Dominique qui vient plutôt du lyrique. Moi j’aime bien l’échange qu’il y a eu entre eux, et ce qu’ils apportent tous de différent. C’est ce qui est important. Ils ne se ressemblent pas les uns les autres.
Jean Claude Camus Production