Scène française
Da Silva : L’aventure
Da Silva cultive sa différence
Quatre ans après « Villa Rosa », le septième album signé Da Silva s’intitule « L’aventure ». Un bouquet de chansons écrites sur trois ans, à Paris, en Bretagne, et quelque part au Portugal.
Da Silva reconnait avoir été trop lisse par le passé, dissimulant ses failles, cherchant à polir son personnage et à acquérir une sorte de respectabilité. Ce n’est plus le cas dans ce disque-là !
Dans ce nouvel opus, Da Silva chante ses sentiments, l’esprit libéré de l’image, avec cette exigence qu’il s’impose d’emblée : éviter le thème rebattu de l’amour, ou en parler autrement, moins dans la caresse que dans la griffure. « J’en avais assez de passer par le prisme du sentiment amoureux, du couple, de la rupture, d’être dans cet automatisme que je maîtrisais finalement. L’envie m’est venue d’aborder d’autres sujets » explique-t-il.
L’album débute avec le titre La seule personne, musique puissante, de l’électro enrichie de cuivres et de cordes, où la voix suave de Da Silva dresse le portrait d’une pulsion amoureuse meurtrière, qui sait si elle ne pourrait virer au drame.
A l’écoute de La fille, qui suit, on comprend que l’album sera d’une grande disparité dans les sons et les thèmes. Sur cette ballade aux motifs sixties, l’auteur traite des a priori, il se met dans la peau d’une jeune femme libertine qui se fiche du jugement d’autrui.
A la toute fin du disque, on découvrira La fille 2, son pendant, où sur fond de guitare en arpèges. On la retrouve lascive, fumant une dernière cigarette avant de quitter un lit de hasard au petit matin, sans une explication, sans se justifier.
Qu’est-ce que « L’aventure » si ce n’est de passer d’une histoire à l’autre, se perdant parfois, se retrouvant chaque fois ? Ainsi se déroule l’album de Da Silva, au gré de ses humeurs. Dans cette chanson qui donne son titre à l’album, il trompe ses angoisses incompréhensibles qui le submergent en tentant de fixer la lumière, choisissant de jouir de tous les imprévus, explorant tous les possibles.
Dans son ode à John McEnroe, il sourit en pensant à ce héros fascinant qui rêvait de la partie parfaite, un match sans faute qui n’est allégorie d’une vie sans le moindre échec. La lumière irradie aussi dans Il y a, cette ballade qui va piano, l’histoire d’un vagabond à la recherche « d’un été permanent ». S’en suit ce morceau plutôt rock, ce « Sourire » doux-amer qui révèle une facette de l’auteur.
L’album s’assombrit et gagne encore en profondeur avec Nos vies solitaires, un rock existentiel, où Da Silva égrène les aléas de la vie, ses coups, ses blessures. « C’est un bien joli leurre que de penser compter », chante-t-il avec ce regard distancié acquis au fil des ans et qui le caractérise. Et cette pensée nous tient encore quand survient l’un des grands moments du disque : sur une sublime ballade comme il en existe quelques-unes dans le répertoire, qui va de Avec le temps de Léo Ferré jusqu’à Ton héritage de Benjamin Biolay.
On sent qu’on tient une grande chanson à l’instant ou la voix suave et familière de Da Silva entonne La mauvaise réputation, qui ne doit rien d’autre à Brassens que son titre. C’est amusant de constater que cette chanson intervient à ce moment de sa vie où Da Silva est le moins sensible à ce qu’on pensera de lui, justement. Débarrassé de toute posture.
Label : Pias
Date de sortie : 24 mars 2017