Scène française
Interview Patrick Bruel
Interview
Patrick Bruel affiche déjà 20 ans de succès et de carrière. Depuis l’automne dernier, le chanteur est sur la route en version acoustique. Il profite de salles plus intimes et de sa relation privilégié avec son public pour partager sur scène un moment unique. Pour la sortie de son album Live intitulé « Seul… ou presque », Zikeo vous propose d’en savoir un peu plus sur Patriiiiiick !
C’est important d’avoir les premières sensations, quand on arrive dans une salle, à une heure du concert ? Par exemple ici au Palais des Sports, qu’est-ce qu’on ressent ?
C’est important d’arriver tôt dans le lieu. Certains artistes arrivent très tard, au dernier moment, ils sortent de leur voiture et montent sur scène. C’est un trip. Il y a ceux ou celles comme Barbara, qui arrivait à onze heures du matin, se mettait dans son fauteuil à bascule sur la scène. Pendant sept heures elle ne parlait à personne, regardait les techniciens s’affairer. Elle se concentrait comme ça. Moi j’ai besoin de venir, de sentir les lieux, la loge, le backstage, la scène, la salle et le son. Je fais un sound check assez poussé, ça me chauffe la voix.
Est-ce vrai que cette tournée est née à Las Vegas ? C’est un vrai coup de poker ?
Elle n’est pas née à Las Vegas. Dans ma tête elle est née il y a assez longtemps. Lors de mon dernier concert, en 2007, avec 15 000 personnes, au milieu du concert je disais aux musiciens d’aller faire un tour et je restais seul avec le public pendant 45 minutes. Je racontais des conneries, les gens se marraient. Tous les soirs je me disais « si un jour j’y allais tout seul ? ». Un jour au Québec, on m’a proposé de faire une émission de télé avec 500 personnes, des chansons à la demande. Il y avait un piano et une guitare. Je n’en menais pas large. Ça a duré une heure et demi. C’était magnifique, très gratifiant. Quelques mois plus tard, à Las Vegas, l’idée m’a traversé l’esprit. J’ai appelé mon agent et je lui ai dit « Puisqu’on est libre en octobre, pourquoi on ne partirait pas faire ça dans quelques salles pour rigoler ? ». Ça devait s’arrêter un mois plus tard. Finalement, ça se termine le 15 aout. C’est une belle aventure.
Comment s’est fait le choix des chansons ? Il s’est fait spécialement pour cette tournée ?
Le choix s’est fait avec mon carnet dans lequel j’ai mis toutes mes chansons, avec les textes. J’ai amené ce carnet à la montagne, je me suis assis sur le lit. En commençant par la page 1, j’ai essayé à la guitare ce qui fonctionnait, ce qui fonctionnait moins bien, ce qui m’intéressait aujourd’hui, ce que j’avais envie de dire, ce que j’avais envie de revisiter.
Certaines chansons ont eu une nouvelle chance quelque part ?
Il y a des chansons un peu moins connues que je fais découvrir aux gens et d’autres chansons plus connues, dont je donne une nouvelle lecture. De temps en temps, il y a même une chanson que les gens ne connaissent pas, puisqu’elle sera dans le nouvel album. Ça me permet de tester encore.
Il y a la sensation d’être un peu sur les genoux des gens, quand on commence à chanter ? C’est très intime.
C’est comme si tu allais chez les gens, il y a un piano et une guitare, c’est très intime.
On sait dès la première seconde comment ça va se passer ?
On sait très vite la teneur du spectacle. Certains soirs on est dans une folie totale qu’il faut absolument driver, qu’il faut gérer. Certains soirs on est dans une écoute religieuse dès le début. C’est très différent selon les soirs mais ça va toujours vers le même endroit. Que ça commence rapidement ou doucement, de manière profonde ou légère, de toute façon, au milieu du show tout démarre. Après c’est une gestion entre les gens qui se lèvent et ceux qui s’assoient.
Il y a ce côté où on joue le premier accord et les gens connaissent la suite de l’histoire ? C’est comme un pingpong avec les gens, il y a ce jeu permanent d’aller et retour ?
Complètement. C’est interactif. C’est un échange, un rappel à nos souvenirs, à notre complicité, à ce qu’on a vécu par le passé. Ce spectacle est truffé de non-dits. C’est assez beau.
Il y a des gens qui réclament certains titres, ça peut durer un certain moment dans la salle.
Je fais tout ce que les gens réclament. Si une fois je m’aventure à ne pas faire Qui a le droit, ou Place des grands hommes, les gens vont l’attendre et la demander longtemps ; mais ils savent que je la fais.
Il y a une reprise de Barbara dans cet album. C’est un choix très intense ?
Barbara a tellement compté dans ma vie, dans ma carrière, dans mon parcours, que je voulais un jour lui rendre hommage. Il fallait que je trouve une chanson qui puisse être chantée par un homme, ce n’est pas si simple avec Barbara, et une chanson qui me parle de par son contenu, et que j’arrive à jouer au piano. Elle est difficile à jouer. J’ai commencé à la répéter à Colombes, je ne l’ai chanté qu’à Vichy. J’ai répété un mois tous les soirs, parce qu’il y a quand même trois changements de ton au milieu de cette chanson. Il y a une intensité. J’ai eu la chance que ma maman me fasse découvrir Barbara à l’âge de sept ans. Je n’ai jamais raté un spectacle, un album… Je l’ai même rencontrée à la fin de sa carrière, elle a été très sympa avec moi. Elle m’a beaucoup encouragé.
Comme son nom l’indique, cette tournée c’est « Seul ou presque ». Qui est ce presque ?
Ce presque ce sont les milliers de gens qui viennent tous les soirs, et à l’occasion un copain guitariste qui vient faire quelques chansons avec moi pour donner un peu de rythmique au show. Il fait six ou sept chansons sur 26. C’est un choix car sa participation dans le spectacle est remarquée et remarquable.
Il y a un DVD inclus dans cet album. Quelle est l’idée, faire découvrir les coulisses ? En même temps, il y a un vrai partage, avec une interview ?
C’était à la manière de ce qu’il avait fait avec moi à Los Angeles. Il avait fait un reportage « Lost in Vegas ». On avait voulu le faire à la manière de Les yeux dans les bleus où il suivait les gens dans les méandres de la préparation. C’est pareil, je voulais qu’il soit là dans des moments un peu inhabituels, en coulisse, quand je me retrouve seul dans la voiture après le spectacle. Là il est venu me poser des questions. Je ne voulais pas que ça soit un DVD traditionnel. J’aime beaucoup ce film, je le trouve très émouvant.
En quoi cette tournée a-t-elle été révélatrice ? Est-ce qu’elle influence la suite ?
L’envie, c’est de faire des espaces très grands avec un orchestre, le band, et un nouvel album qui sort. C’est une parenthèse entre une grosse tournée et une très grosse tournée. C’est la parenthèse nécessaire pour se ressourcer, revenir à la pureté des chansons, de ma relation avec le public. C’était une manière de me ressourcer et d’écrire, pour mieux repartir. C’est une étape qui m’a rassuré sur le contenu des chansons, sur ma relation avec le public, sur le rapport que j’ai à la scène et à ce métier. Je suis content, ça me rend assez serein.
Qu’est-ce qui reste à l’esprit spontanément ? Qu’est-ce qu’on retient : les accidents, ou il n’y a que des bons souvenirs ?
Ce ne sont que des bons souvenirs. Et heureusement qu’il y a des accidents quand tu es tout seul, que tu te trompes avec ta guitare, que tu t’arrêtes au milieu d’un morceau, que tu fais des choses que les gens n’ont pas l’habitude de voir. Les gens se disent en sortant de la salle que ce que j’ai fait ce soir, je ne l’ai pas fait la veille. Je crois que tout est bon à prendre sur scène, tout est bon à utiliser. Je n’ai pas peur des fausses notes, des erreurs, des contretemps. La seule chose qui ne me plait pas c’est le manque de rythme, quand il y a des temps morts où il ne se passe rien. Donc je tends à serrer les choses. Tout peut arriver, je me sens en confiance sur scène.
Est-ce que la voix se bonifie ? L’acoustique est une épreuve à part, on est un peu à poil ?
Il faut bien dormir, pour que la voix soit bien. Ce qui n’est pas le cas ce matin…