Scène française
Interview chanteur Garou
Interview Garou
A l’occasion de la sortie de son nouvel album, « Gentleman Cambrioleur« , Garou s’est entretenu avec Zikeo.net.
Que s’est-il passé ? Garou est devenu un gentleman cambrioleur ?
J’ai toujours été gentleman cambrioleur. Depuis très jeune, j’ai volé les chansons des autres pour m’amuser sur scène, pendant mes années de bar. A l’âge de 13-14 ans, on volait beaucoup les Beatles, comme beaucoup d’autres d’ailleurs. On est tous cambrioleur à son heure. Cette fois ci, je voulais ramener les chansons chez moi. Je ne voulais pas juste les sortir du musée, mais les ramener à la maison, dans un cadre plus intime et chaleureux, voire même sexy. On s’est emparé de ces chansons et on les a transformées.
Ça a pris du temps, pour donner une nouvelle vie aux chansons. Comment s’est passée la préparation ?
Ça a été très difficile, beaucoup plus qu’on ne le pensait, pour choisir les chansons et surtout pour les réinventer, leur donner de nouvelles saveurs. Parfois il y a des évidences, et c’est très difficile de sortir de ces évidences. Par contre, pour choisir les chansons, on a beaucoup travaillé mais en peu de temps. Je n’étais pas convaincu par l’idée de faire un album de reprises. Si je me suis décidé, c’est parce que c’était très original. Il fallait démarrer l’explosion par le choix de chansons complètement éclectiques, de tous les univers, de toutes les époques, en français et en anglais. Finalement, on m’a proposé comme réalisateur Philippe Paradis. Je ne le connaissais pas. J’ai dit qu’on pouvait essayer sur deux chansons. On est parti sur un délire de deux chansons complètement opposées. On a fait Les dessous chics de Gainsbourg et on a fait Da Ya think I’m sexy ? de Rod Stewart. Ce sont deux choses complètement différentes. En studio, avec Philippe Paradis et les musiciens, on s’est régalés comme des fous. En sortant du studio, j’ai dit : « On y va, on fait cet album ».
Tu voulais à la fois quelque chose d’arrangé et en même temps retrouver les vibrations du live ?
Oui. C’est le premier album ou je boeuf en studio avec les musicos. Plein de sessions sur cet album sont jouées live. C’est un régal. Ça se fait très peu aujourd’hui, on essaie de tout séparer, piste par piste. Là ça a été du boeuf, et même des boeufs qui ne menaient nulle part. Je suis arrivé avec une feuille de 101 chansons à proposer, pour qu’on en choisisse une dizaine. Sur les 101, 5 des 13 titres ont été retenu. On a donc continué à chercher ailleurs. On a boeufé certains titres lors de soirées très allongées, et ça ne marchait pas. On a attaqué certaines chansons et ça a été un gouffre. On ne trouvait pas.
Une chose est amusante. Si on prend le point commun de toutes ces chansons, qui sont interprétées à la base par des gens très différents, et des personnalités très fortes, c’est que tu as amené ta couleur, le blues.
C’est dans le blues que tu te sens chez toi ? J’entends souvent dire ça, depuis que je fais des albums. J’ai fait des années de bar, où c’était la couleur blues, rhythm&blues. J’ai renoué avec la partie rock avec l’album « Piece of my soul », je me suis éclaté sur une tournée d’un an, en live, avec les musiciens. J’avais besoin, j’ai toujours eu ce manque de crooning, d’un album un peu plus jazzy, mais toujours dans le blues. Le public et les fans me demandaient quand j’allais faire un album blues et plus jazzy. Voilà ! « Gentleman cambrioleur ».
On va faire un petit exercice. On a bien compris que tu as fait une grosse sélection. Pour chaque titre, j’aimerais que tu me dises s’il y a un souvenir, une circonstance liée à ta vie, à quelque chose qui t’a marqué. On commence bien sûr par Gentleman cambrioleur.
Gentleman cambrioleur. J’étais gamin, et je ne pense pas que la série d’Arsène Lupin soit passée très longtemps au Québec, mais c’est une des premières mélodies qui m’ait marqué. La série Arsène Lupin est très impressionnante quand tu es gamin. Après, j’ai oublié cette chanson pendant des années. En faisant ma recherche de chansons, je suis tombé sur elle, et ça a été instantané. Ensuite, je l’ai choisi pour le titre de l’album, parce que c’est l’idée de cambrioler les chansons des autres.
I Love Paris, de ColePorter. Cole Porter est l’ultime crooner.
C’est ma gâterie de l’album. Je me suis gâté avec l’arrangement à la Sinatra. Peut être que ça détonne du reste de l’album, parce qu’on est allé dans le vintage. Mais ça sonne mieux qu’à l’époque, parce qu’on est mieux équipé pour les prises de son. Mais c’est un cadeau pour moi que d’avoir fait I Love Paris. Même si je suis Québécois, I do love Paris. And I love Paris because my love is here.
Tu as transformé du féminin en masculin, Madonna.
J’écoutais souvent cette version avec ma fille. Elle déteste la version que j’ai faite. Elle trouve que j’ai massacré Madonna, c’est peut être vrai ! On se l’est vraiment approprié, et on l’a envoyé ailleurs. Quand j’en ai parlé au début, on m’a dit non, qu’on n’allait pas aller puiser dans ce type de chansons. J’ai dit qu’il fallait écouter le texte, qu’il y avait quelque chose de profond, d’intense, qu’on pouvait l’amener dans un univers plus lounge. C’était un régal. C’est le style de musique que j’écoute. On s’éclate avec ma fille, en écoutant les albums de Madonna. J’ai pu prendre cette chanson et lui donner un nouveau sens. On sent vraiment la détresse dans cette nouvelle version.
U2, New Year’s Day ? New Year’s Day.
Je voulais faire une chanson de U2. Ce n’était pas celle là. Je suis très fan de U2, quand j’étais ado, New Year’s Day, Sunday Bloody Sunday, Pride… J’étais à fond. Philippe Paradis m’a dit qu’il avait quelque chose sur New Year’s Day, mais que j’allais être déçu parce que ce n’était pas un up tempo. Je voulais faire un up tempo. Il m’a dit qu’elle était plus lente. J’étais déçu. En studio, j’ai écouté la trouvaille. Il avait trouvé un son fabuleux. C’était évident qu’on allait la faire. C’est Philippe Paradis qui est convaincant. Je voulais faire une chanson de U2, mais ça n’aurait pas été mon premier choix, même si c’est une chanson qui a bercé mon enfance. Je pense qu’il a ramené son côté amoureux, parce que c’est une chanson d’amour à la base, et son côté politique, sur la chute du communisme. C’est une chanson engagée. On retrouve cette intensité, et cette spiritualité, dans le nouvel arrangement musical.
C’est presque un premier souvenir d’enfance de la chanson française, un 4×4 aux Etats Unis, Aux Champs Elysées ?
Tout à fait. On mettait les cassettes huit pistes de mes parents et on partait en Floride. Sur les 8 pistes, il y avait deux Joe Dassin. Aux Champs Elysées était la chanson la plus vivante. J’ai plusieurs fois repris Joe Dassin en spectacle. J’ai très souvent fait Salut les amoureux. Je me suis dit : « Pourquoi on ne ferait pas la plus évidente ? ». On peut donner plein de termes péjoratifs à cette chanson, mais tout le monde l’a aimée. C’est la plus grande avenue du monde, une chanson qui a bercé mon enfance. Les mecs ont dit : « OK pour Joe Dassin, mais Les Champs Elysées… ». J’ai pris le piano, et je l’ai faite à la blues. A la Ray Charles.
Tu as éprouvé Joe Dassin je crois, dans une pub, avec des motards ?
Oui, c’était dans un bar avec des motards, un peu dangereux. J’avais commencé à jouer Joe Dassin, et ils avaient voulu me péter la gueule. Non, ils ont voulu me péter la gueule sur une autre chanson, j’étais en duo avec un autre mec, ça ne passait pas du tout. J’ai fait du Joe Dassin après et tout le monde s’est mis à chanter, la bière à la main. Tout le monde aime Joe Dassin.
Les Rita Mitsouko, C’est comme ça ?
Dans cet album, tu arrives dans un musée, tu prends un super tableau, et une statuette que tu n’aurais jamais ramenée. Personne n’aurait pensé que j’aurais pu faire un Rita Mitsouko. Je la voulais celle là. J’ai toujours été fan, mais on ne l’associait pas à moi. C’est une chanson qui bouge, elle va être une bombe sur scène. On l’a disjoncté à leur façon. C’est impossible de faire les Rita Mitsouko, je ne pense pas. Assagir les Rita Mitsouko, ça serait dommage, mais surement faisable. J’ai cette folie en moi, j’avais envie de la vivre sur une chanson des rois de la folie.
Pour terminer, on peut parler du bonus. Pour ceux qui vont parcourir l’album, il va se passer quelque chose quand on laisse tourner. Es-ce que tu veux dévoiler ce qui se passe ?
On peut en parler. Après le « Son du silence », il y a du silence, qui nous amène à une chanson. Quand j’ai commencé à chanter dans les bars, tout seul, dans les fins de soirées bien arrosées, parfois je remontais seul avec la guitare, dans un délire, et chantais la chanson de Léonard Cohen que j’adore, qui est « Everybody knows ». J’ai vu son spectacle en aout dernier à Monaco. Cela m’a scié. L’été d’avant, le jour de mon anniversaire, j’ai fait l’ouverture du festival de jazz de Montréal avec cette chanson. Un soir, après une soirée arrosée, j’ai dit : « Ouvre le micro », j’ai pris la guitare, et je l’ai faite d’une prise. J’avais envie d’avoir un souvenir de cette chanson que je faisais dans les bars, mais avec une bonne prise de son. Je ne pensais pas qu’elle se retrouverait sur l’album. Mes amis et ma chérie m’ont dit qu’il fallait que ça soit sur l’album. Pourtant, c’est une prise avec plein d’erreurs, des maladresses… Je ne m’en souvenais plus trop, cela faisait des années que je ne l’avais pas jouée comme ça. J’avais voulu m’offrir un cadeau en l’enregistrant, je me suis donc dit que j’allais l’offrir aussi aux fans. Un petit cadeau, donc, après le Son du silence.
Ce qui est surprenant chez toi, c’est que tu es vraiment un interprète. Quand tu parles du piano bar, tu es resté cinq ans à jouer près de chez toi. Quand tu es venu à Paris pour Notre Dame de Paris, il n’était pas rare de te croiser tard le soir, alors que vous aviez au minimum une représentation à faire. Tu montais sur scène dans certains endroits à Paris, et tu faisais le boeuf.
C’est no limit ! J’ai commencé en détruisant des chansons, c’est pour ça que je continue à le faire. J’ai commencé par hasard, à 19 ans, quelqu’un m’a poussé sur une scène. Le weekend d’après, le mec m’engageait, alors que je ne lui avais rien demandé. Il ma’ dit qu’il fallait que j’apprenne des chansons. Le week-end d’après, je suis arrivé avec mes feuilles de musique, et j’apprenais devant le public. Les chansons étaient un peu réinterprétées… Pendant mes années de bar, j’ai fait un laboratoire des différents styles musicaux, je me suis éclaté comme un fou. On me proposait de faire des albums mais je n’en avais pas envie, parce que j’étais en laboratoire. L’interprétation d’un personnage comme Quasimodo de Notre Dame m’a donné trois ans au top de la popularité dans le monde francophone. Je suis arrivé là par accident, je ne m’attendais pas du tout à ça, et je n’avais pas d’album ni d’identité artistique. En télé, je faisais des reprises, une chanson de Notre Dame puis des reprises. Pendant 3 ans on m’a connu à faire des reprises. On faisait 7 spectacles par semaine. Le 7ème jour on ressuscitait les morts, on avait deux spectacles le samedi, un le dimanche après midi. On partait faire le boeuf tous les dimanches soir, dans un bar à Paris. On s’éclatait. Ça a toujours été important pour moi de faire le boeuf, reprendre des chansons, découvrir des choses. Par exemple, l’album « Gentleman cambrioleur » me fait évoluer au moins autant que les autres albums, sinon plus. Ce n’est pas comme si ça avait été un album facile parce que ce sont des reprises. Ça a été plus difficile sur le choix des chansons, il a fallu les retourner de toutes les façons, les essayer de plusieurs façons. Ensuite, on fait vraiment passer son identité. La chanson a déjà existé par quelqu’un d’autre. Dans les bars, j’ai souvent imité. Cette fois ci je n’imite pas et je ne me limite pas. J’évolue, j’ai grandi dans le processus de cet album.
On a vraiment l’impression que tu as posé ta voix. C’est vraiment le terme qui convient non ? C’est le premier commentaire de ceux qui écoutent l’album.
En studio, c’est la première fois que je suis dans une zone de confort sur tout un album, sans monter les notes, sans avoir besoin de prouesses vocales. J’avais toujours l’impression que c’était ce qu’on me demandait, parce que Notre Dame était très lyrique. Quand j’étais dans les bars, je poussais, parce que c’était les bars. Par la suite, dans l’équipe de Céline Dion, c’était toujours cette mentalité. Mais je me suis rendu compte qu’on ne m’a jamais demandé cela. Si j’ai cette texture vocale et cette façon d’interpréter, ce n’est pas la prouesse vocale. Ce que je veux faire c’est de la texture, de l’émotion. Sur cet album, c’est ce que tout le monde dit : tu ne cries pas, tu ne gueules pas… Je suis toujours dans la zone de confort. That’s why it’s sexy je pense.
Ça fait 10 ans que vous êtes dans la profession. Qu’est-ce qui te vient spontanément à l’esprit, quels sont les deux ou trois éléments importants sur ces 10 ans, qui t’ont construit ?
Si cet album a beaucoup évolué, c’est grâce à tous les grands moments de ma vie, qui ont fait que je fais ce métier là. A 13-14 ans, j’ai un petit groupe et on s’amuse. A 19 ans, on me pousse sur une scène, par hasard, et je n’ai jamais arrêté depuis. Notre Dame de Paris me donne une ascension complètement inimaginable, que j’aurais pensé impossible. Je n’aurais jamais pensé visiter l’Europe un jour. On a fait des tournées dans 15-20 pays, c’est hallucinant, je n’aurais jamais pensé ça. Ce sont les grandes étapes qui m’ont donné cette maturité qui me permet d’offrir cet album aujourd’hui.
Avec le premier album tu étais parti très vite en tournée. C’est reparti en 2010. De Tour à Bordeaux en passant par Paris et l’Olympia, qu’est-ce que tu nous prépares sur scène ?
Quand je suis en studio, je commence déjà à faire le plan de scène. Je suis en pleine mise en scène en ce moment. Ça va être une grosse année de tournée, toute l’année 2010. On fait le Québec en mars et avril, vous êtes les bienvenus si vous voulez venir ! En mai et juin on commence la tournée en France. A partir de septembre, on va faire plusieurs pays, la Russie, la Pologne… Avec l’album, j’invite les gens à la maison pour voir les oeuvres cambriolées. Mais là je vais faire une véritable exposition sur scène. Je vais vraiment jouer la mise en scène du gentleman cambrioleur. On arrive dans la cachette du voleur, on découvre les choses. Ça va être une mise en scène très intéressante. Et il y aura surtout un vrai boeuf musical. La scène va être pleine de bijoux, de tableaux, et de trésors. Pour moi les plus beaux trésors ce sont les instruments de musique qu’on peut prendre. Il va y en avoir partout sur la scène. Chaque musicien va pouvoir changer d’instrument et se régaler. Ça va être un véritable happening musical.