Scène française
Invitation à la Transe Musicale de SÜEÜR
Retour sur le premier concert à Béthune du groupe SÜEÜR, le 24 septembre dernier.
Je crois que ça s’appelle une Claque. Une gifle, voire un coup de poing dans les émotions. (Et promis, pour celle-là, j’irai pas poser de main courante, d’autant qu’à Lille ces temps-ci, elles ont tendance à fuiter). Côté flamboyance, cette fois, c’est dans le décor des caves voûtées du magnifique Théâtre du Poche à Béthune que s’est produit samedi dernier Théo Cholbi, avec son groupe SÜEÜR.
Ayant découvert le groupe suite à leur reprise du magnifique morceau de Léo Ferré Thank You Satan, également interprétée par Dionysos il y a quelques années pour l’album « Avec Léo », ou encore plus récemment par Pandore, j’y reviendrai.
J’avais ensuite creusé la découverte grâce à la magie des rencontres et des réseaux, et l’écoute de leur premier album éponyme, bien qu’à priori pas vraiment dans mon univers musical habituel, m’avait enchantée. De même pour le splendide clip tout récemment sorti Arrêt d’Urgence, véritable invitation à un voyage musical, j’avais été transportée, par la musique, par les mots, le scénario du clip et la sensibilité qui s’en dégageait. Ils sont donc ce soir à Béthune, pour un concert très attendu car reporté déjà deux fois suite aux restrictions liées à la crise sanitaire. Très attendu, certes, heureusement que des salles comme Le Poche existent encore aujourd’hui, et malgré un public un peu ‘light’ en nombre, la lumière qui s’en dégageait valait bien la fosse d’un Zénith, en certes bien plus intimiste.
SÜEÜR : Un band aux multiples facettes
Les voilà, donc, ils sont là. Derrière les fûts (non, je ne parle pas de bière, je sais qu’on est dans le Nord de la France, mais quand même), le fils caché de Dave Grohl s’appelle Simon Lemonnier. Lien du sang ou pas, peu importe, il a clairement hérité du même genre d’énergie, voire du même genre de coupe de cheveux, c’est-à-dire partout dans les yeux. Dans sa capuche, aux cordes et au clavier, Bruno Humbert, qui manie avec autant d’aisance la guitare acoustique, électrique, et les touches du clavier. Présent et discret à la fois, en parfait accord avec l’alchimie qui se dégage du trio. Et en frontman, au chant et à la performance, Théo Cholbi. Peut-être (c’est l’un de leurs titres) que ce nom vous dit déjà quelque chose.
Théo, 31 ans, est loin d’être un inconnu. Acteur talentueux depuis son plus jeune âge, il a plusieurs cordes sensibles à son arc. Au delà d’un rapport fraternel qui se lit parfois sur les traits de son visage, il a son univers propre, et ça saute aux yeux assez vite que c’est un artiste multipotentiel qui regorge de talent.
Le set débute, Théo derrière ses lunettes de soleil et dans sa capuche/casquette interprète et vit ses morceaux. Au fil du concert, il se dévoile, se met à nu, au sens propre et au sens figuré.
Au fil des chansons il monte en puissance, tombe le haut et moi je tombe de haut. Je ne m’attendais pas à ça. J’assiste à un spectacle d’une puissance intense, d’une sincérité exceptionnelle, d’une énergie fulgurante, d’un mec que je découvre être une bête de scène, d’une intensité extraordinaire, complètement habité, absolument hypnotisant, au point de m’évoquer Jim Morrison et Bertrand Cantat sur scène. Oui, oui, rien que ça.
En transe, il transpire, et la sueur, ça tombe bien, c’est le nom de son groupe. Et on comprend pourquoi. Il ne se ménage pas, il donne tout, il est généreux, ça transporte, je regarde à peine autour de moi, mais j’ai la sensation que cette énergie débordante est communicative et porte le public, qui semble aussi dense qu’une fosse pleine à craquer. Ce n’est pas la quantité qui fait la qualité, encore moins dans le Grand Nord, paraît-il. Il partage, il échange, il communique, il transmet, il alterne l’énergie sauvage et bestiale et la sensibilité touchante pour une partie acoustique qui donne des frissons malgré la chaleur de la salle. Ses musiciens ne sont pas en reste et je comprends mieux le sens de l’intitulé « Grunge/Rap » en voyant l’énergie de Nirvana dans les baguettes magiques de Simon qui nous offre également un spectacle hallucinant de puissance et de vitalité.
Aspiré dans une bulle d’ardeur, de force et de partage, Théo distille ses punchlines au milieu de ses morceaux puissants, parfois simples et basiques comme dirait OrelSan, mais percutantes à la fois « Si t’es influencé, c’est qu’t’es influençable », (Influenceur c’est un métier en plus paraît-il que ça donne des tendinites au coude…), ou encore « Si tu n’as pas de faille, dis-moi par où passe ta lumière », heureux les fêlés évidemment, et bien sûr le fameux « Je bande d’Art et d’Urgence », qu’il fallait quand même trouver, respect. Au-delà des textes hyper bien écrits, en français, c’est vraiment à une MasterClass qu’on assiste ce soir.
La Süeür dégouline et de la tête aux pieds, on est imprégné également par ce retour à la source, à cette dimension bestiale et animale à laquelle on assiste et qui transporte dans un voyage intérieur multisensoriel. Sans donner de leçon, sans se placer au-dessus des autres, Théo nous parle de sa vie, de ses ressentis, de ses imaginaires, et nous embarque avec lui. Il invite le public à s’approcher de la scène, il s’y baigne, il se mélange à la foule, il partage, il échange, en toute humilité, il est la définition même de l’Humanité au sens noble du terme.
J’ai l’impression d’être au bord d’une explosion. Süeür a une envergure qui devrait remplir des stades, et la générosité de ces artistes nous a offert un concert d’une puissance extraordinaire à nous, les privilégiés qui avons assisté à ce moment quasi privé dans l’une des salles les plus caractéristiques de la région. On était chanceux ce soir. Très. Et vous, vous étiez où ? Si vous voulez vous rattraper, vous avez encore une chance d’assister à ce show magistral qui aura lieu le Vendredi 7 Octobre à La Boule Noire de Paris, Boulevard Rochechouart (tiens, tiens…). Ouais, faudra aller à la capitale maintenant, mais ça l’est, capital. Très honnêtement, dépêchez de prendre les places, parce qu’une pépite pareille, un moment de vie aussi intense, ça n’a pas lieu tous les jours et il est évident que l’avenir de Süeür porté par Théo Cholbi est plus que prometteur.
Les mots sont peu de choses face au ressenti de ce concert, peut-être que quelques-unes de mes photos vous retranscriront également ces émotions. Dans tous les cas, je vous souhaite aussi de les vivre. Après deux années de privation, il était grand temps de retrouver enfin ces sensations, et pour un coup d’essai, ce concert de Süeür fut un coup de maître. Bravo et Merci. A très vite.