pop-rock
Piers Faccini Two Grains of Sand
Piers Faccini Two grains of sand
« Two grains of sand » est assurément un disque lumineux. Il est vrai que Piers Faccini a bénéficié d’une grande liberté dans la conception de cet album. Il en a posé les fondations, tracé les plans, et dessiné les arrangements chez lui. Il a voulu cette fois-ci voler de ses propres ailes.
C’est donc en solitaire, que Piers Faccini a enregistré les démos très avancées des chansons qui composent son album « Two Grains of Sand », avec le soutien d’un ami ingénieur du son, Patrick Jauneaud. Il en a ensuite enrichi les trames mélodiques en leur apposant des lignes de basse, de claviers, les ambiances et les samples de batterie mis en boucle. Piers Faccini n’avait jamais été aussi présent sur tous les plans de la création.
Piers Faccini a emportés ces enregistrements à Paris pour les coloriser en compagnie de Renaud Létang, fameux enlumineur sonore avec lequel il s’est tout de suite senti en phase. La première réaction de Létang aura été éloquente : selon lui, il y avait très peu à faire, tous les ingrédients étant déjà en place. Sans rien imposer, il jouera pourtant au bout du compte un rôle essentiel, en aidant Piers Faccini à rendre le tout cohérent.
D’un commun accord, les deux hommes laissent certaines démos dans leur nudité première, telles les soufflantes ballades guitare-voix de Time of nought, Who Loves The Shade ou My Burden Is Light. Concernant les autres titres, ils ont en revanche concocté des étoffes instrumentales destinées à mettre en valeur la pureté de leurs courbes et de leurs lignes. Des complices de la première heure comme Vincent Segal au violoncelle, Jeff Boudreaux à la batterie ou plus récents comme Jules Bikoko à la basse, consolident ainsi les chansons avec de somptueux motifs mélodiques comme sur The Wind That Blows, et To See Is to Believe ou d’explosives couleurs électriques avec les titres Your Name No More, A Storm is Going to Come. De fines teintes d’orgues, de piano, de cordes ou d’instruments à vent en imprègnent aussi les tissus ici et là. D’autres arrangements possèdent le vif et le chaleureux éclat de l’impromptu. A noter les apparitions vocales de Francesca Beard sur Save a Place to me, ou les chœurs de A Home Away From Home assurés par la chanteuse zoulou Bhusi Mhlongo, que Piers Faccini a rencontrée lors d’une tournée en Afrique du Sud organisée par son ami Nibs Van Der Spuy.
Ces savantes mixtures de timbres étendent la palette de sa musique, puisque Piers Faccini s’affranchit des tons primaires du folk orthodoxe pour s’iriser des pigments empruntés au blues et à la musique malienne, napolitaine, mais aussi à la pop et à la musique médiévale comme aux mélopées du Moyen-Orient. Elles apportent un riche éventail de nuances à un disque qui, derrière sa tonalité souvent lumineuse, comporte également sa part d’ombre. Dans ses textes, Piers Faccini, ne cache rien des troubles ni des douleurs que lui inspire la marche chaotique du monde. Qu’il traite de l’incapacité des hommes à résoudre leurs différences comme sur les chansons Two Grains of Sand ou Your Name No More, qu’il scrute avec gravité la ligne d’horizon pour le moins brouillée du futur sur A Storm is Going to Come ou qu’il célèbre la mémoire d’un être cher emporté par une overdose dans la chansonWho Loves The Shade, son verbe poétique, embrasse la sensibilité d’un esprit qui tente de mettre en harmonie son optimisme naturel et son implacable lucidité.
Piers Faccini dit se reconnaître en Francis Bacon, qui affirmait « I’m an optimist about nothing« . Quand on voit vraiment le monde en face, avec réalisme, il est impossible de ne pas être attristé ou heurté. C’est bien l’optimisme qui domine dans « Two Grains of Sand » puisque c’est l’optimisme qui coule dans les veines de son auteur et qui donne la couleur générale de ses chansons.