pop-rock
James Taylor : «J’ai connu James avant qu’il soit sensible»
Interview James Taylor
Ces dix dernières années ont été particulièrement riches pour James Taylor : son One Man Band tour, le Troubadour Reunion Tour avec Carole King, deux albums de reprises, un disque de noël, une tournée à guichets fermés à travers les Etats-Unis et l’Europe en 2014. Aujourd’hui, il est de retour avec un nouvel album baptisé « Before This World », disponible en téléchargement sur iTunes.
Vous n’avez pas sorti d’album de nouvelles chansons depuis plus d’une décennie… Treize ans pour être exact ! Qu’avez-vous fait durant toutes ces années ?
Globalement, ça a été une période intense et prenante, mais également très heureuse. Nous avons de jeunes enfants, ma femme et moi, mais j’ai quand même essayé de tourner autant que possible et j’ai sorti quelque chose chaque année ou presque. Nos garçons sont nés en 2001, ils vont bientôt avoir quatorze ans. Avoir des enfants vous replonge obligatoirement dans la culture du moment.
L’aventure qui a conduit à la sortie de votre nouvel album, « Before This World », a commencé il y a déjà quelques année si je ne m’abuse ?
Il y a six ans, nous nous sommes rendus dans mon home studio Dave O’Donnell (le producteur de « Before This World ») et moi. Nous avons enregistré quelques maquettes dont je me suis servi pour écrire des paroles. Dave a ensuite écouté les chansons pour m’aider à déterminer dans quelle direction aller et trouver le meilleur type d’accompagnement possible. Je me suis réservé une semaine par ci par là pour terminer ces morceaux. J’ai mis un moment à retrouver l’état d’esprit nécessaire pour écrire des chansons et enregistrer cet album.
Finalement, tout s’est mis en place assez rapidement ?
Effectivement ! Je voulais faire un album enregistré dans l’immédiateté. Je pense qu’on obtient presque toujours une certaine cohérence en procédant de cette façon.
Quels sont les thèmes abordés dans « Before This World » ?
Sur ce nouvel album, Watchin’ Over Me est par exemple un morceau qui parle de la guérison. J’ai écrit de nombreuses chansons sur le même thème, des morceaux avec une dimension presque spirituelle, qui s’inspirent de ma propre expérience. Sur ce disque, on trouve également une chanson d’amour (You and I Again), une chanson sur le voyage (Stretch of the Highway), une chanson sur le travail (Today, Today, Today) et un de ces hymnes agnostiques dont j’ai le secret (Before This World). Cette manière de parler de moi, la dimension autobiographique de mon travail est un fil rouge qui relie mes albums les uns aux autres. Je crois avoir muri musicalement, et je pense que les gens peuvent l’entendre en écoutant ce que je jouais en 1968 et ce que je joue à présent. Il y a une continuité, il s’agit bien de moi dans un cas comme dans l’autre, mais il y a tout de même une évolution.
Quelle est la différence entre le James Taylor du 20ème siècle et celui d’aujourd’hui ?
Ca n’est pas la même chose d’écrire des chansons à 17 et à 67 ans, même si à vrai dire, la différence n’est pas aussi importante qu’on pourrait le penser. Au début de ma carrière, ma véritable motivation était d’exprimer mes pensées. Quand vous commencez, c’est comme si les chansons jaillissaient littéralement de vous, puis, les années passent, et on a de plus en plus l’impression de devoir aller les chercher en soi pour les sortir de force. En même temps, quand j’écris une chanson à présent, je m’approche toujours un peu plus de ma conception de la chanson idéale. Je ne fais pas preuve d’impatience pour y parvenir, j’attends le bon moment…ce qui a pris un certain temps, cette fois.
Que pensez-vous de votre réputation tenace de singer-songwriter à fleur de peau ?
C’est difficile à dire ! Mon collaborateur et ami Danny Kortchmar a l’habitude de dire, « j’ai connu James avant qu’il soit sensible ». Je suppose que des chansons comme Sweet Baby James ou Fire And Rain m’ont valu cette étiquette de garçon un peu introverti. Je ne joue pas un rôle devant les gens ; je suis à peu près celui qu’ils voient.
Votre tournée avec votre vieille amie Carole King en 2010 a dû vous rappeler à quel point les chansons étaient importantes pour les gens ?
C’est vrai, cette tournée avec Carole a été une merveilleuse surprise ! Quand j’ai commencé, la musique représentait tout. Pour moi bien sûr mais, plus largement, c’était une partie énorme de la culture à l’époque. C’est toujours le cas évidemment, mais c’était particulièrement vrai entre le milieu des années 60 et celui des années 70 : la société était en ébullition et la musique accompagnait le mouvement, décrivait les choses, y participait activement, à chaque instant. A cette époque, la musique a pris une importance qu’elle n’a jamais perdue depuis.
Cette capacité à poursuivre une conversation entamée avec le public il y a plus de quarante ans est une de vos caractéristiques essentielles de votre talent. Réussir à faire abstractions des louanges, des récompenses et de la notoriété n’est pas donné à tout le monde dans une société obsédée par la célébrité. Pourtant, grâce à vos chansons, aussi belles qu’intemporelles, vous continuez pourtant à nous toucher au plus profond de nous-mêmes.
J’ai beaucoup réfléchi aux raisons pour lesquelles je me sens encore poussé à écrire des chansons, car force est de constater que ça continue à me passionner. Ca n’est pas vraiment que je cherche l’approbation du public mais plutôt que je suis accroc à ce que l’on ressent quand on partage une expérience musicale avec d’autres. Ca peut fonctionner aussi bien avec dix mille personnes qu’avec dix. Cette expérience a vraiment une dimension spirituelle. Vous sortez de la réalité dans laquelle vous êtes enfermé pour entrer en communion avec d’autres personnes. D’après moi, la musique nous offre un répit en nous donnant l’occasion de nous libérer de nous-mêmes.