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Openair Frauenfeld : Un final en apothéose !
Final en grande pompe pour l'Openair Frauenfeld 2017
Après une excellente deuxième journée à l’accent pop et festif, l’Openair Frauenfeld a fini cette session 2017 en beauté, et avec quelques gouttes de pluie qui ont effrayé les midinettes tressées sans waterproof. Si Tyler, The Creator a du annuler sa venue, cela n’a rien enlevé au spectacle qui a vite trouvé un remplaçant adéquat : le belge Damso.
Les rappeurs allemands de KMN Gang et les suisses de Mimiks ont rassemblé les connaisseurs très tôt, dans un décor toujours aussi sec et brûlant. Techniques et inspirés, heureux d’être en place et stimulés par un public mince mais là pour les voir, ces deux groupes ont assuré que cette dernière journée serait tout aussi forte que la veille.
Talib Kweli et son live band The Soul Rebels se sont ensuite produits sur la scène nord sans trop d’étincelles. Peut-être que son nom ne fait pas autant rêver que d’autres de l’ancienne génération. Cela ne suffit pas à expliquer la passivité du public. The Soul Rebels a ouvert son bal sur des classiques – trop classiques – pop et soul des années 70 auxquels il manquait vraiment de la joie et un soupçon de folie. Talib Kweli, très mollasson, a enchaîné avec un certain détachement ses morceaux dont mêmes les grandes perles sont passées inaperçues.
En revanche, ça a très bien collé avec l’américain Lil Uzi Vert, une des curiosités du festival, s’étant peu produit dans le secteur européen jusque là. Sa réputation le précède : ses concerts sont courts. Des plus courts. Comme certaines légendes qu’on pardonne tellement elles ont déjà donné, ou parce qu’elles sont majestueuses, ce qui n’est pas encore le cas de Lil Uzi Vert. Ce jour là, il a tenu 20 minutes, que nous allons arrondir à 25 pour rester sympathique : elles étaient très bonnes. Juste le temps de voir un artiste introverti, peu causant, dans sa bulle, avec un côté tourmenté à la Pusha T. La part belle à son Dj qui a materné le public avec les mêmes sons que tout le monde : ceux de Kendrick Lamar et d’ASAP Mob.
A partir de 18h, les trois poids lourds américains de ce samedi ont défilé. D’abord, Gucci Mane qui a fait un excellent live mais qu’on imaginait encore mieux tel que son nom l’indique. Plus glamour. Plus auto-satisfait. Plus vécu à fond en somme. Du détail histoire de pinailler, parce que l’homme a donné cent fois ce que le public attendait : du rap appliqué, des drops continus, des basses féroces et des pogos acharnés. Une ambiance rutilante, comme dans un rêve pleins de sequins et de paillettes, qu’on peut toujours se partager le temps d’un set propre et carré. Son concert s’est achevé, presque humblement, avec la pluie venue soulager, enfin, les coups de soleil des milliers de visiteurs.
Machine Gun Kelly a donc donné son concert sous une pluie abondante qui n’a pas freiné le public. Hormis les suisses allemandes, très apprêtées, parties protéger leurs sourcils dessinés.
Cette pointure du gangsta rap donne davantage une image de pop star que de grand méchant rappeur, bien que son son soit très lourd. Un playback soupçonné, entrecoupé de petits mots affectueux, des explosions régulières d’hystérie, des moyens grandioses, une scénographie savamment conçue. Sans oublier les fans qui sifflent quand l’artiste aux allures de sex symbol se déshabille, dévoile ses tatouages et prend sa guitare. Une machine à rêve au fonctionnement parfait, qui se passe très naturellement et logiquement d’authenticité, pour contenter un public qui veut à juste titre se vider l’esprit. Machine Gun Kelly n’avait pas encore terminé qu’une partie importante de son public venait gonfler les rangs des milliers d’impatients déjà amassés devant la scène principale. L’on y attendait G-Eazy pour qui la pluie s’est miraculeusement arrêtée.
En déchaînant le parc, G-Eazy a répondu à l’image qu’il a toujours donné : généreux, inspiré, plein de considération et très humain au-delà de sa coquetterie. Aussi, un artiste obsédé par le moindre détail et qu’on imagine sacrement exigeant. Son plateau, sobre et élégant, calibré tout en étant naturel, rehaussé par quelques volutes de fumée et de pétarades, était un des plus réussi de l’Openair Frauenfeld. Un accueil chaud et humide, donc tropical, qui n’a pas manqué de toucher l’artiste qui semblait être le premier étonné de cet accueil ; faux humble le prince.
Vibrant de son style à l’ancienne saupoudré de ce qu’il faut en modernité, G-Eazy a interprété ses titres les plus connus, en étant obligé de faire l’impasse sur quelques grands morceaux. Une track list difficile à composer pour cet artiste, l’un des plus productifs de sa génération. Il a terminé son set avec son incontournable Me, Myself & I que des musiciens ont accompagné, et qui a été sublimé par un public prenant la place de Bebe Rexha.
Si beaucoup étaient attristés par l’annulation de Tyler, The Creator, Damso et son rap sale ont comblé cette absence, séché les larmes et recollé la banane au public avec une force imparable. Un BruxellesVie a mis tout le monde d’accord. Même le public allemand a rejoint les francophones pour sentir leurs cages thoraciques claquer. Le rappeur belge, dopé d’une virilité toute sereine, a rendu fou un public consistant qui aurait de très bonnes notes en récitation. Une belle place à prendre à l’Openair que l’artiste, débrouillard à jamais, a honoré de ses textes, miroirs d’une génération au cul coincé entre violence et violence.
Le Frauenfeld 2017 s’est terminé sur deux phénomènes allemands aux styles très différents. Si le très marketing CRO et son masque de panda fait des remous et divise les opinions entre pop et rap, ce soir là, les uns et les autres ont mis leurs positions en sourdine pour s’aérer le cortex. Le show était complet, visuellement impressionnant et hyper festif. Les deux parcs étaient encore prêts à craquer. Enfin, Bushido & Shindy ont fini d’achever le public qui sautait sans arrêt ni relâche depuis plus de 6 heures. Avec leur style très sombre et dur, le duo a fignolé le rêve américain vendu par l’Openair Frauenfeld, notamment avec son Panamera flow.
Comme presque tous les artistes, ils ont satisfait un public pas toujours assez exigeant, notamment avec les américains, et qui a bien du mal à identifier la qualité. Un public souvent affublé d’un visage fermé ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il ne sait pas s’amuser. Un public très jeune et très vulnérable aux modes et tendances comme les années 90 et le hip-hop peuvent l’être en tête des gondoles des magasins actuellement. Un public conforme au cliché, enclin à faire religion de la vie facile vendue par les clips.
Si ces traits constituent une majorité, la programmation du festival reste assez éclectique pour toucher et rassembler un peu de tous les profils du panorama hip-hop, mais aussi de ses sentiers battus, avec de nombreux styles hybrides. Evidemment événement exceptionnel en Europe, dont tout bon amateur doit fouler l’herbe sèche de l’hippodrome, l’essentiel est que l’Openair Frauenfeld était un grand succès, ce que le record battu de plus de 170.000 visiteurs montre bien. La prochaine édition aura lieu du 5 au 7 juillet 2018.