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« Étoile de jour », Le nouvel EP de Maska sort le 12 février
Maska en a fait du chemin depuis la Sexion d’Assaut. Il est de retour aujourd’hui avec de nouvelles chansons.
« J’ai toujours puisé dans mon vécu et dans le réel, dans ce que je ressens pour créer. Plus tu es authentique, plus tu es en phase avec toi-même, plus tu sais l’exprimer et plus tu as de chance de toucher les gens. Pour moi, le succès et l’authenticité sont très liés. Dans ma musique, j’ai toujours fonctionné comme ça. À coeur ouvert », confie Maska au moment d’évoquer son EP 8 titres baptisé « Étoile de Jour », disponible le 12 février prochain et premier volet d’une trilogie qui se terminera avec un album du même titre courant 2021.
À coeur ouvert est encore un euphémisme. Maska n’est pas le genre à jouer au plus malin. À s’inventer une vie qui n’est pas la sienne. Il n’est pas journaliste non plus. Il n’est pas là pour dresser un procès verbal. C’est un artiste. Un artiste qui sait puiser au fond de ses entrailles. Cette quête de vérité, en tout cas ce désir de ne rien galvauder, ils viennent de loin. Et offrent à sa musique une cohérence et une force. Ce premier EP au titre paradoxal est une mise en abime saisissante. Maska y chante l’amour viscéral. Mais pas seulement.
“Cette histoire (de couple qui se déchire), c’est avant tout une inspiration. Je ne relate pas un fait divers. Vraiment pas… Tous les morceaux qui évoquent cet amour déchu, ils relèvent plus de la thérapie. Je me vide le cerveau. Il n’y a aucune haine, aucun jugement. Je dis des choses fortes mais il y a toujours de l’empathie malgré la douleur. C’est ce qui m’a permis de sortir de cette histoire. Je n’y ai pas mis mon ego. La fin, je l’ai plus vécue comme une délivrance que comme un échec en fait. Comme un apprentissage, ça s’est traduit en quelque chose de positif. Ça m’a libéré. Et ça m’a fait redevenir la personne que j’étais”
L’artiste. Rôle vertigineux quand on y pense. Est-il le héros de ses chansons? Le “Je” est-il un “moi”? L’art est-il un aveu? En écrivant “Crimes et Châtiments”, Dostoïevski était-il un assassin en puissance? Maska a depuis longtemps déjà dépassé son petit nombril. Il est moins Narcisse qu’universel. Ce qu’il chante ici, c’est lui et tous les autres. C’est un égoïsme obligatoire à la création qui se transforme en quelque chose de fédérateur. L’amour traverse l’humanité. Derrière son micro, Maska partage une épreuve pour mieux la dépasser. C’est exactement le rôle d’un artiste. Une main tendue, une façon de dire “on est tous passés par là, on va s’en sortir”. La pochette le dévoile assis, habillé de noir, il est en train d’écrire. Derrière lui, une femme, tout de blanc vêtue. Elle semble le soutenir, Muse respectueuse, bienveillante et aimante. Les couleurs vont bientôt s’inverser. L’amour va s’effacer et convoquer les ténèbres.
Il faudra attendre le deuxième EP pour en savoir plus. Maska a compris l’importance de la bienveillance. Sortir d’une relation toxique peut aussi aider à devenir un homme meilleur. À essayer tout du moins. L’ouverture d’esprit chez Maska n’est pas juste une facilité de langage ou une hypocrisie pratique. Non. La vie s’est chargée de l’initier. Les paradoxes l’ont construit. Il a souvent évolué entre deux mondes. Entre une famille instruite, aimante et sans le sou et la rue et ses codes. Il était, très tôt, déterminé à faire le bien. Pas comme un super héros sans faille. Plutôt comme un homme qui refuse d’abdiquer et de laisser son cerveau reptilien gagner la bataille intérieure. Il s’est cherché, a trébuché, a goûté à l’errance. Il a appris que l’existence n’était pas cette chose déjà écrite, qu’il allait falloir lutter pour être lui-même. Ses intentions étaient bonnes, dignes, son chemin parfois tortueux. C’est ainsi que l’on s’affirme, pas autrement.
De Sexion d’Assaut à sa carrière solo, Maska poursuit son chemin vers les sommets
Le succès avec Sexion d’Assaut a aussi été un révélateur. La célébrité est un amour parfois trompeur. On nous aime plus pour ce qu’on représente que pour ce qu’on est véritablement. À l’abandon sans calcul mais possiblement destructeur, à la passion sans filet, Maska a aujourd’hui choisi de considérer la solitude comme une alliée sincère et constructive. Et a compris que la responsabilité n’était pas réservée qu’aux autres. Et cet EP ne dit pas autre chose. C’est donc un disque sur l’amour. Sur la passion qui mue, qui devient moins colorée, plus sombre.
L’amour est un miroir. Il nous renvoie à ce que nous sommes ou croyons être. L’amour n’est pas une solution mais un commencement. Pour le meilleur et parfois le pire. Les histoires d’amour finissent mal en général chantaient les Rita Mitsouko… Ce qui est frappant dans le disque de Maska, c’est justement ce refus de la fatalité, cette volonté ardente et presque apaisée de ne pas se contenter du chaos, de vouloir absolument avancer, malgré la souffrance et les murs qu’on avait soi-même dressés. Ici, il n’y a pas de gentil et de méchant, ce n’est jamais manichéen et cela fait un bien fou quand on écoute. Maska a pris du recul, il a compris une chose primordiale en écrivant et en enregistrant ce disque: La fin n’est qu’une étape. L’annonce d’une vie nouvelle, pour peu qu’on s’en donne les moyens. Oui, on peut parler ici d’acte libérateur.
S’Aimer Seul, avec S.Pri Noir, qu’il a écrit voilà un an, un soir de confrontation ultime, et qu’a composé le fidèle Nino Vella, Maska dresse un constat lucide, se souvient de choses terribles et son message passe d’autant mieux que la musique relève presque de la comptine, du songe nocturne avec ces choeurs de cristal. Le contraste est vertigineux. Beau.
Dans Jamais Aimé, Tayc assure les chorus et offre à la mélodie ce qu’il faut d’intimité trouble, Maska, lui, se livre encore. Il chante ne vouloir plus jamais aimer. L’amour est ici maudit et la douleur encore vivace. La Vérité est encore une jolie mélodie, épurée, avec un clip à venir: “Au début, tu crois que j’embrasse une femme mais quand la caméra revient, tu comprends qu’en fait, je lui fais du bouche à bouche, que je lui fais un massage cardiaque parce qu’elle s’est donnée la mort. L’idée, c’était de dire que la vérité n’est jamais unique. Nous n’avons en nous que des parcelles de vérité. Et même la réalité, c’est quelque chose de très vague, de subjectif. C’est en faisant face que tu peux avancer et t’aider, en étant courageux, en acceptant les choses”.
Avant d’accepter les choses, Maska a d’abord dû passer par une phase transitoire, indispensable à tout nouveau départ. Il a fallu qu’il se blinde, qu’il impose certaines distances. On retrouve cet état d’esprit dans des titres comme Toutes Les ou Casque Intégral avec un feat de Lylah. Il est ici question de se recentrer sur soi-même avant de repartir de plus belle, d’à nouveau s’ouvrir.
Sans Fin célèbre une nouvelle fois un retour à une certaine liberté. Sur Honneur, Maska dépose un ego-trip impeccable où il parvient encore à véhiculer du sens. Titre lâcher-prise, respiration salutaire. Enfin, Voie lactée, avec Lefa et Lord Esperanza, est une métaphore entre l’astre et l’artiste: “Pour moi, c’est la définition même de l’artiste. Le fait de briller mais de se sentir seul. Plus tu plais à ceux que tu ne connais pas et plus tu t’éloignes de ceux que tu connais”.
Maska n’ignore pas qu’une étoile qui scintille, c’est une étoile qui a disparu depuis longtemps. Cette lumière dans le ciel est l’expression d’une chose appartenant déjà au passé. La vanité n’appartient pas à son vocabulaire. L’artiste de 35 ans recherche autre chose. Cet EP, en attendant la suite, indique qu’il est sur la bonne voie. Il est toujours très touchant de voir un artiste se révéler à lui-même.
Si Maska a les deux pieds solidement ancrés dans le sol, ses yeux, eux, sont immanquablement tournés vers les Cieux. Du caniveau aux étoiles écrivait Oscar Wilde. C’est exactement ça. Rarement un disque urbain n’aura dégagé autant de sincérité et de subtilité mêlées, de mélodies qui attrapent et de notes qui soignent. Sur son bras, Maska s’est fait tatouer un micro dans un sablier et cela ne doit évidemment rien au hasard parce que chez lui, la musique est une passion non négociable et le temps désormais un allié.